Bonjour !

Ce n’était pas prévu que je lise ce roman (qui tient plus de la nouvelle en fait) maintenant, ni que j’en fasse une revue, mais les hasards de la vie font parfois drôlement les choses et nous amènent à des découvertes inattendues. Alors que je suis dans les starting-blocks pour la sortie, le 2 octobre, de Les Osseleurs, le 6e tome du livre des Martyrs édité par Leha, je cherchais une lecture rapide. Je ne suis pas un aficionados des petits livres comme vous l’aurez peut-être remarqué, je ne sais pas pourquoi au fond, peut-être une question de plaisir, plus c’est gros plus la relation va durer, plus elle sera profonde, ce genre de chose. En tout cas, c’est un auteur en particulier qui m’a donné ce goût avec bien d’autres choses aussi et je me rappelle même de quand c’était. Je veux parler de Stephen King bien sûr, celui avec qui j’ai démarré ce blog et avec qui je le terminerai peut-être un jour. Je n’ai jamais développé plus que ça, ici, mon amour du King, ni ma connaissance de son oeuvre. Je ne sais pas si c’est le lieu ou l’endroit pour le faire mais après tout c’est ma taverne, alors laissez moi vous en parler un peu, histoire de donner un peu de contexte de lecture à cette revue.

Il fut mon premier grand amour. Je sortais d’une relation assez longue et scientifique, pleine de candeur et d’émerveillement, avec Jules Verne quand Steve sans crier gare m’attrapa par le revers de ma veste en jean au détour d’un tabac-journaux, alors que j’avais 16 ans, et m’emmena faire un tour avec lui. À bord de sa Plymouth Fury 1958, il m’emmena dans un cimetière, et là, tous ses personnages prirent vie, remplissant la mienne. Je dévorai en deux jours donc, mon tout premier King, Simetierre, dont la couverture m’avait happé. Je lisais partout : en cours, le livre caché sous la table à l’insu de mes profs, au self du lycée en mangeant, planqué dans les douches, plus tard le soir, pour avoir de la lumière alors que le dortoir scolaire était plongé dans le noir et que les murmures et les ronflements de cinquante de mes camarades peuplaient le silence nocturne. Je lisais dans le car qui me ramenait de ma semaine de classe, je lisais entre les morceaux de mes répétitions de musique le weekend, je lisais à table chez mes parents au grand dam de ma mère, je lisais aux toilettes. Si vous aviez demandé à mes camarades de l’époque où me trouver, ils vous auraient dit : « Assis sur les marches du bahut, il est avec son blouson jean, tu peux pas le louper avec ses patchs, ses badges et pin’s de Metallica, Iron Maiden, AC/DC, la tête enfouie sous ses grand tifs noirs dans un livre du King. Il aura ses écouteurs grésillant de metal sur les oreilles, un clope au bec et un café du distributeur à portée de main, tu t’inquiètes pas il tape des pieds aussi en rythme». Le Fléau, Christine, Ça, Shining, Le pistolero, Danse Macabre, tout y passait. Et sa prose comblait un vide essentiel en moi, il apportait des réponses à mes questions sur la nature humaine. Il me montra qu’il y aurait toujours des Henry Bowers ou des Greg Stillson, que notre nature profonde relevait souvent de notre enfance et de ce que nous y avons vécu. Que le mal est en chacun de nous. Il m’aida à mieux comprendre le monde qui m’entourait et à l’accepter tel quel. Car la teneur essentielle de son message, surtout, c’est que je ne pouvais rien y changer, tout juste à mon niveau essayer de vivre et de trouver une place qui me convienne. En trois ans, j’ai lu quasiment tout ce que le King avait écrit jusque là, y comprit les titres sous le pseudo de Richard Bachman et qui étaient dans un sens encore plus terrifiants et grinçants. Et puis au fur et à mesure j’ai commencé à suivre les sorties de ses livres, attendant avec plus d’impatience les tomes concernant La Tour Sombre. Nous nous quittâmes un été 2006 après la lecture du dernier tome. Je n’étais pas radieux de cette fin. Puis nous renouâmes en 2012 avec son chef d’oeuvre : 22/11/63. Depuis, je tente de rattraper le temps perdu et de lire les livres que j’ai en retard. Je me rends compte à quel point il m’a manqué, à quel point nous avons changé lui et moi, mais à quel point nous nous comprenons encore. Ces dernières années ont été en un sens productives, notamment grâce au challenge de l’Automne du King lancé à l’initiative de Tomabooks l’année dernière et qui revient cette année, pour un deuxième round. J’ai presque recollé au peloton, au point d’avoir même déjà lu L’Outsider. Il me reste encore quelques romans de la période post accident à lire, mais je commence à en voir le bout.

J’avais donc ce « petit » King dans ma bibliothèque qui traînait. Parfait pour une lecture rapide entre deux pavés comme je les aime. Parfait pour un tête à tête entre moi et le Roi.

Quatrième de couverture :

À Castle Rock, Scott Carey est affecté par un mal étrange. Il perd rapidement du poids tout en conservant extérieurement la même masse corporelle. Avec l’aide du docteur Bob Ellis, il tente de comprendre cet inquiétant phénomène. Parallèlement à cela, Carey a un litige avec ses voisines concernant le chien de celles-ci. Si l’une de ces voisines, Missy, est très amicale, l’autre, Deirdre, est glaciale. Toutes deux essaient de lancer un restaurant mais le fait qu’elles soient ouvertement mariées provoque l’hostilité d’une bonne partie des habitants de la ville. Apprenant leur problème et confronté au sien, Carey décide de les aider à vaincre les préjugés de la population locale.

Mon avis :

Stephen King, maîtrise aussi bien l’art du méga roman que celui de la nouvelle, ou de la petite histoire. Il vous sert ça généralement comme une petite sucrerie à déguster en douce, entre deux. Élévation n’échappe pas à la règle. La prose glisse, et nous entrons rapidement dans le vif de l’histoire, car le maitre sait qu’il n’y a pas besoin d’emphase à rallonge, que nous le connaissons depuis si longtemps, qu’il sait qu’on acceptera sans mal le côté fantastique aussi tôt dans le récit, comme un deal tacite. Allez, viens, c’est ce que tu veux de toute façon, c’est pour ça qu’on est là, alors pourquoi faire des manières, passer par des préliminaires ?

Le passé est de l’histoire le futur est un mystère

Stephen King

Il s’agit essentiellement d’un roman feel good à mon sens. Il célèbre la vie, mais celle qui se nourrit du partage, de l’entraide, de l’acceptation des différences. En vieillissant, je trouve que le King aborde les sujets sous un autre angle. S’il y a 30 ans, il aurait profiter de cette idée pour faire une exploration des délires psychotiques de certains habitants de Castle Rock à l’encontre de deux femmes lesbiennes et déchaîner les enfers, aujourd’hui il en profite pour tourner en ridicule ses anciennes muses et donner la belle part à un vrai gentil. Un vrai de vrai. Notre héros va s’élever spirituellement dans une métaphore induite par sa perte de poids, et découvrir après des années de déprime qu’il aime la vie, et qu’il veut faire quelque chose de bien avant de … Et bien.. il ne sait pas, même si nous, on a une petite idée assez rapidement. Nous sommes peu surpris par l’évolution de l’histoire, mais Steve sait quand même nous mettre en haleine avec sa verve habituelle et son sens inné de la narration. Il va surtout profiter du prétexte fantastique de son histoire pour aborder d’une manière tellement simple et naturelle, un peu comme ce tweet à l’adresse de JK Rowling, un thème polémique au sein de certaines communautés : l’homosexualité. Avec douceur et force, il transcende toutes formes d’objections et renvoie les réfractaires dans leur caverne, suggérant par là-même que si les médias relayaient certaines infos sous un meilleur angle, c’est à dire de façon naturelle et sans accentuer la différence dans la mise en scène, les gens de tout bord vivraient mieux. Un instant j’ai failli écrire, les minorités à la place de gens de tout bord, mais là encore, je me rends compte que c’est un élément de langage visant finalement à accentuer une différence, et le message de ce livre c’est clairement : quelle différence ? Vous et moi au bout du voyage finiront tous au même endroit, ce qui compte vraiment c’est ce que nous auront fait entre-temps.

Si c’est ce qu’on ressent quand on meurt, on devrait se réjouir de partir.

Stephen King

Conclusion :

Élévation est une bonne petite histoire, genre conte de noël, à savourer avec un bon café et un plaid, au chaud, alors que la tempête Alex ravage l’extérieur. Il y célèbre la vie, avec son bouquet final. Il y parle d’acceptation, d’amour de son prochain, le tout sous Fantastique 4000 le remède prescrit par votre pharmacien préféré qui réside à Bangor Maine USA, et qui permet de perdre du poids sans maigrir.

La note : 8/10


Ce livre a été lu dans le cadre du challenge de L’automne du King lancé par Tomabooks. #automneduking sur les réseaux sociaux.

À bientôt pour de nouvelles revues, d’ici là portez vous bien et lisez trop !

Bonsai !

Edition présenté : Livre de Poche paru le 03/04/2019 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Pagel. ISBN 2253820075