Les Ragots de la Taverne #24

Hello There !

Le dimanche est là, sous le soleil, un weekend un peu court dans mon cas après les longs ponts du mois de mai, mais puisqu’il faut finir l’année scolaire, autant la finir en beauté et travailler d’arrache pied, y compris les samedis. Pour autant, l’idée de vous retrouver et de vous partager mes ragots avec ses arrivages, ses pensées profondes sur le plaisir d’un bon café et mes projets pour les mois à venir m’a porté toute la journée – épuisante, certes – d’hier. Mais d’abord, le plaisir de ce goût amer, chaud et sucré (pour certains).

Même un fantôme peut préparer un café, lorsqu’il pleure de ne pouvoir le consommer.

Le Monde des Ténèbres

Vous le savez, vous qui êtes un habitué du blog, je suis un grand fan du monde des ténèbres, le World of Darkness en langue de Shakespeare. La V5 arrivée depuis quelques temps aux US, puis dans nos belles contrées, ne cesse de s’étoffer. L’annonce a été faite de la publication pour la fin d’année en VO et en VF de Loup-Garous (qui gardera son nom VO), d’un recueil de scénarios pour Hunter et d’un Players Guide offrant de nouvelles options pour Vampire la Mascarade (dont j’ignore les dates de parution VF). La sortie de Werewolves va agrandir le nombre de séries portées en V5 à 3, après Vampire et Hunter the Reckoning sortis l’année dernière. Bien sûr le chemin est encore long pour avoir toutes les gammes dans cette nouvelle édition du jeu, puisqu’il existe aussi Wraith : Oblivion, Demon ainsi que Mage L’ascension et Changelin qui viennent seulement – plus ou moins – d’avoir leur édition en V20 (20e anniversaire).

L’éditeur français, Arkhane Asylum Publishing, n’a pas chômé depuis le début de l’année sur cet univers, que ce soit en terme d’annonces ou de sorties, et bien que nous attendions toujours la parution du Chicago By Night en V5 – ne serait-ce que pour avoir le Clan Lasombra jouable en VF – mais pour laquelle ils ne sont pas à blâmer, ils ont pu publier coup sur coup le livre de règles de Hunter Le Jugement et un supplément pour Vampire : La Seconde Inquisition. En comptant la sortie du supplément sur le Sabbat en fin d’année 2022, puis une Précommande Participative de Changelin V20 et l’annonce de Werewolves, on est quand même sur une belle année pour le Monde des Ténèbres. Ne boudons pas notre plaisir de voir un éditeur français qui est régulier sur ses gammes et qui plus est n’abuse pas des fameux financements participatifs si à la mode chez la concurrence au point que ce soit devenu leur modèle économique et qu’on se demande pourquoi quand on travaille à crédit sur le dos de l’argent des gens, on n’arrive pas à livrer aussi vite que ceux qui travaillent à l’ancienne comme Arkhane. En tout cas, d’autres dépenses plus importantes m’ont obligé à patienter un peu, à retarder leur acquisition, mais ils sont là ! Les deux !

Mes précieux

Hunter le Jugement nous permet d’incarner ces gens qui ont généralement tout perdu à cause de phénomènes et créatures surnaturelles et qui n’ont plus qu’une obsession, une pulsion en tête, qui les pousse : traquer et détruire ces créatures, au risque de devenir aussi monstrueux que leurs proies.

La Seconde Inquisition, un supplément pour la gamme vampire – le 4e, déjà ! – nous présente ici des antagonistes de choix pour nos lécheurs de sang préférés. Organisations gouvernementales, profils d’informateurs, espions et forces spéciales, tout y est présenté pour offrir à vos joueurs un défi à la hauteur de ce que le 21e siècle offre de mieux.

Les Suppléments pour Vampire V5 déjà parus en français chez Arkhane Asylum Publishing

J’attends avec impatience que les produits annexes de Hunter soient sortis, tels que les dés et l’écran. En tout cas les livres sont comme d’habitude de qualités et l’été se rapprochant, donc mes vacances, je vais me faire un plaisir de vous décortiquer tout ça comme je l’ai fait pour le Livre de Règles de Vampire V5. Il me faut aussi continuer la présentation des différents suppléments de Vampire La Mascarade, 4 étant désormais sortis : La Camarilla, Anarch, Le Sabbat et donc La Seconde Inquisition. Une bien belle gamme dans une édition de qualité devant laquelle je ne cesse de m’extasier et d’y revenir.

Lecture et Podcast

Au programme des lectures, mon confrère collègue, et ami de Jeu de Rôle, Xapur, m’a donné envie de terminer une superbe série que j’avais commencé en 2016, La Compagnie Noire. Après avoir lu les 3 premières intégrales publiées par j’ai Lu, chacune regroupant plusieurs tomes de la série qui se découpent en Livre du Nord, du Sud et de La Pierre Scintillante, j’avais buté sur le quatrième et dernier suite à un problème de café ayant coulé et ravagé mon volume, me laissant dans un abattement sans nom, moi le maniaque des livres, prit en défaut de négligence pour une fois. C’est donc plein de joie que j’ai commandé et reçu à nouveau cet ultime tome que je compte bien lire cet été tout comme le second livre de La Voie de l’Ascendance, Le Seuil de La Maison des Morts de Ian C. Esselmont, la nouvelle série traduite par Leha se situant dans leur univers phare, le Monde Malazéen. Il est d’ailleurs marrant de se dire que La Compagnie Noire de Glen Cook a fortement inspiré Steven Erikson et sa série du Livre des Martyrs et on peut y relever pas mal de similitudes, au delà du genre commun, la Dark fantasy.

La Compagnie noire de Glen Cook

En terme de Podcast, je continue de suivre avec un grand plaisir Les Pages du Milieu dont j’ai déjà parlé ici. Nos compères ont entamé la lecture du livre 4 qui se situe dans Les Deux tours et retrouvent le chemin de Sam et Frodon après les péripéties d’une partie de la communauté au Rohan. Leur lecture résumée magnifiquement interprétée, leur mise en ambiance, ainsi que leurs petits dossiers sur certains points de l’univers et débats sont de grandes qualités, et bien que je n’y apprenne pas forcément grand chose, je prend énormément de plaisir à suivre cette aventure.

Toujours dans les podcasts, Monde des ténèbres oblige, je recommande aussi chaudement une série en 5 épisodes produit par Arkhane Asylum publishing et proposé par Globigame, un streamer – producteur de contenu horrifique de jeu de rôle. À la limite de l’actual play, de la fiction audio et du livre audio, ce petit bijou terrifiant est de qualité et saura vous mettre dans l’ambiance de l’horreur proposée par les jeux issus du World of Darkness. Je vous mets le lien en dessous, à vous d’oser franchir les portes de la réalité et de voir les monstres qui se cachent au milieu de votre quotidien. À noter que depuis vendredi soir, Maxime Robinet, la personne qui se cache derrière Globigame, propose une partie en live sur Twitch dans l’univers de Hunter le Jugement que vous pourrez retrouver tous les vendredis soirs de juin. Vous pourrez voir sur sa chaîne qu’il propose également du Cthulhu avec les Mémoires du Mythe ainsi que du Delta Green dont il me faudra parler ici un jour, et bien d’autres choses encore.

Voilà, c’est tout pour aujourd’hui, et c’est déjà pas mal. La prochaine fois je vous parlerai peut-être de cette partie de Vampire en tête à tête que nous jouons ensemble avec Hildr actuellement dans le monde de Vampire Dark Age, une campagne co-créative où nous alternons le rôle de Conteur, se déroulant à Béziers en 1209 en pleine Hérésie Cathare. En attendant, portez-vous bien, soyez, curieux, soyez créatifs et que la Force soit avec vous !

Bonsai !

Toutes les images présentées dans cet article sont la propriété exclusive de leurs auteurs.

Revue Littéraire : Après de Stephen King

Hello There !

Comme vous avez dû le remarquer, je suis dans une période King. En droite lignée de mes lectures de fin d’année avec Lovecraft, j’ai fini par revenir à mes amours de jeunesse – le Ka est une roue – et par retomber dans l’univers du maître de l’horreur moderne. Le Fantastique, l’Horreur, ce sont vraiment mes premiers amours de lecture. Après Carrie, que j’ai terminé plus vite que l’éclair et chroniqué dans la foulée, je continue sur ma lancée et je viens directement faire la revue de ce livre du même gabarit lu juste après. Pour le coup, on est en plein grand écart entre le tout premier roman du Roi et son dernier publié en poche – mais pas sa dernière parution, puisqu’en français il s’agit de Billy Summers chez Albin Michel et de Fairytale en VO qui débarquera chez nous en livre audio en juin. Sorti il y a un peu plus d’un an en France, vous le savez maintenant, j’attends toujours la parution en poche pour me les procurer, et pour la première fois depuis L’Outsider, je n’ai pas résisté à le lire sitôt acquis. Alors, que penser de ce « petit » livre de 343 pages?

Quatrième de couverture :

Jamie n’est pas un enfant comme les autres : il a le pouvoir de parler avec les morts. Mais si ce don extraordinaire n’a pas de prix, il peut lui coûter cher. C’est ce que Jamie va découvrir lorsqu’une inspectrice de la police de New York lui demande son aide pour traquer un tueur qui menace de frapper… depuis sa tombe.
Obsédant et émouvant, ce nouveau roman de Stephen King nous parle d’innocence perdue et des combats qu’il faut mener pour résister au mal.

L’auteur se met à hauteur de petit bonhomme avec une aisance bluffante, pour chroniquer un apprentissage. Sabrina Champenois, Libération.

Stephen King au top de sa forme. Clementin Goldszal, Elle.

Une écriture toujours élégante. Dense et accrocheur. Michel Valentin, Le Parisien.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Marina Boraso.

Mon avis :

«Si vraiment nous sommes doué de libre arbritre, alors c’est nous qui invitons le mal à venir.»

Stephen King

King est un auteur prolifique, on y trouve de tout. De la nouvelle, au cycle, en passant par les romans de toutes les tailles possibles, il a multiplié les styles de récits, les genres, la personne employée, les points de vues, le traitement. Il n’a plus rien à prouver et écrit pour le plaisir de raconter une histoire. Néanmoins, bien qu’il ait joué avec tout ce que l’écriture permet de faire, il y a une chose qui ne change pas : chaque histoire est en lien avec son univers. Les connexions sont nombreuses entre chaque roman ou nouvelle – tous les chemins mènent à la Tour et toutes choses servent le rayon – et Après ne déroge pas à la règle.

On peut y trouver un rapport évident avec Shining pour ceux qui connaissent un de ses plus célèbres romans, mais pas que, il y a quelques liens avec Ça aussi – Attention, je ne fais pas forcément allusion au célèbre Clown – j’ai même vu des similitudes avec le prologue de Christine, puisque les premières phrases des deux romans évoquent l’âge du narrateur qui est identique. L’histoire peut paraître basique chez King et le déroulement des événements plutôt classique, ce qui est vrai. Pour moi la véritable force du roman ne se situe pas là, j’en reparlerai. Bien sûr, comme souvent, nous sommes happés par la narration, Steve nous prend par la main et nous emmène faire un tour dans sa voiture, avec sa capacité innée à nous faire tourner les pages pour connaitre la suite, même quand il ne s’y passe pas grand chose.

La couverture US que je trouve bien plus classe et parlante avec un côté vieux film année 70 à la Tarantino

Ce livre nous relate les souvenirs d’un petit garçon, Jamie Conklin, le narrateur – dont vous connaissez l’âge lors de l’écriture si vous avez suivi mes indices – qui nous raconte comment son don a influé sur sa jeunesse. Du monde de l’édition vu au travers de sa mère, agent littéraire, à la crise des subprimes de 2008 en passant par l’alcoolisme, King, comme souvent voire toujours, nous dresse un portrait réaliste, touchant et sans concession sur l’Amérique des années 2000 au coeur de la Grosse Pomme. Il intègre son surnaturel d’une manière si aisée que nous ne nous posons même pas la question de sa véracité : nous y croyons. En un peu plus de 300 pages, il nous raconte une histoire de fantôme, et bien qu’on s’attende assez facilement à la suite des événements, et que certaines formules semblent éculées, on ne s’ennuie pas du tout.

Vous remarquerez que je n’ai pas fait allusion au film Sixième Sens, tout simplement parce que lorsque le pitch du livre est sorti, à aucun moment je n’y ai fait de rapprochement, j’ai plus pensé à Danny Torrance pour ma part, puisqu’il s’agit de l’univers propre à l’auteur. De plus, Steve King désamorce l’analogie très rapidement dans le livre au cas où certains seraient tentés d’y voir un lien, bien qu’il mette en scène de la même manière une mère et son fils.

Je disais plus haut que la force du roman ne se situe pas dans son histoire. Non. Sa véritable force est dans sa narration qui évolue tout du long. Le récit étant à la première personne, il se met dans la peau de son narrateur jusque dans le style. Un peu léger et bancal au début, avec le passé composé –mais est-ce dû à la traduction ? – pour temps du récit moins évident que le classique passé simple- imparfait, mais plus logique pour quelqu’un qui relate des événements de sa vie et qui n’est pas un habitué de l’écriture, il ne cesse d’évoluer pour atteindre un très bon niveau en toute fin de livre, d’ailleurs King en joue gentiment, nous demandant si nous aussi nous avons remarqué cette évolution dans les dernières pages, ce qui a tendance à me montrer que c’était son intention dès le départ. Un petit jeu surement pour lui, un défi du style : « Hey Stevie, es-tu encore capable de jouer avec la langue ? Arriverais-tu à te mettre à la place d’un jeune premier qui affine son style au fur et à mesure que son livre avance ? » . Oui Steve tu en es encore capable. Tu as même réussi à me scotcher à mon livre toute une journée comme à l’ancienne quand j’avais du temps, plein de temps…

Conclusion

Une petite histoire qui se lit facilement et qui peut être une première lecture pour ceux qui voudraient découvrir le King bien que les références n’auront pas la même saveur que si vous étiez arrivé par la porte d’entrée plutôt que la porte de service. Sans grande prétention et moins passionnant que d’autres romans de la même taille chez lui, il n’en reste pas moins la sensation d’avoir passé un bon moment et de ne pas avoir vu le temps filer. Le Roi sait encore nous tenir en haleine et se faire plaisir au travers de ses mots, et lorsqu’il est dans sa cours de prédilection – adolescence, surnaturel – il est terriblement juste et efficace. Son style cinématographique nous transporte et pour un temps nous sort de notre quotidien. Aimerais-je pour autant voir des morts et leur parler ? Non je ne suis pas sûr Steve, je ne suis pas sûr… Jamie est diablement courageux. Nous le reverrons peut-être ?

Note : 7,5/10

Grand merci Sai de m’avoir lu.

Bonsai!

Edition présentée : Le Livre de Poche EAN: 9782253937029 Date de Parution : 1er février 2023. Traduction : Marina Boraso. Toutes les images présentées dans cet article sont la propriété exclusive de leurs auteurs.

Les Ragots de la Taverne #11

Hello There !

Et voici déjà le 11e épisode de ces ragots de la Taverne. Je suis heureux comme tous les dimanches de vous ouvrir mon monde. Mais laissez moi d’abord comme toujours vous offrir un café.

Happy coffee time

Cette semaine je me suis de nouveau replongé dans le monde du premier auteur à m’avoir fasciné, à avoir ouvert les portes de la réflexion. À l’adolescence, j’étais assez torturé – comme beaucoup j’imagine – je ne comprenais pas mon monde, je l’exécrais. Comment les choses pouvaient-elles être ainsi ? Comment pouvaient-elles être aussi injustes ? Beaucoup d’autres questions me taraudaient. Un auteur m’aida à comprendre en partie la psychologie humaine, à relativiser, à en rire surtout plutôt que de désespérer : Stephen King. Il fut mon compagnon pendant de longues heures, les oreilles remplies des groupes de métal de l’époque. Dans ma bulle je parcourais son monde qui m’aidait à mieux appréhender le mien. Je lui dit un grand merci Sai, pour tout ça.

Mon cycle préféré a toujours été La Tour Sombre que j’ai probablement plus lu que Le Seigneur des Anneaux, et croyez-moi, ça fait beaucoup de pages et d’heures à eux deux. D’ailleurs King ne se cache pas que ce sont les Hobbits et Le bon, La brute et Le Truand – film de 1966 de Sergio Leone – qui lui ont inspiré les aventures de Roland Deschain et sa quête de la Tour – « Ta putain de Tour ». Mais beaucoup de romans de Steve sont liés à la Tour Sombre, son oeuvre est un univers global et complexe. Cette semaine, alors que dimanche dernier je vous disais que j’avais acquis deux nouveaux de ses livres dans ma collection, j’ai finalement choisi de finir ma relecture de Carrie, et comme souvent avec ses livres, s’ils ne dépassent pas 500 pages, ben ils fondent comme neige au soleil. Il m’a fallu une soirée pour le terminer bien qu’il me restait environ 160 pages, soit plus de la moitié. Le lendemain, j’écrivais sa chronique dans la foulée, chose que je fais rarement, avant de me lancer dans son tout dernier petit paru en poche. Je ne lis King qu’en poche, une habitude du lycée, et pour un auteur populaire comme il se désigne lui-même ça convient bien je trouve, on peut l’emporter partout, et c’est le plus important pour moi, l’avoir dans la poche quand j’ai 5 minutes pour lire.

J’ai donc attaqué Après, et… ben après une journée de lecture en mode tranquille, café-canapé, il a été posé le soir sur l’étagère à côté de tous ceux que j’ai déjà lus, bien sagement, un sentiment de satisafaction sur les lèvres. Il n’y a que lui qui est capable de me faire lire un livre en une journée. À l’heure où j’écris ces lignes, je vais relire Christine que je n’ai pas lu depuis plus de 20 ans. J’aime bien alterner entre relectures et nouveautés. Je serais prétentieux de dire que j’ai tout lu de lui, malheureusement non. J’ai eu des hauts et des bas dans ma vie de lecteur, et j’ai été attiré par d’autres sirènes, mais j’y reviens toujours. Le problème c’est qu’il écrit plus vite que Le Pistolero ne dégaine, et ce n’est pas peu dire. J’ai donc loupé certaines sorties que je rattrape petit à petit depuis la création de ce blog, dont il est un peu à l’origine.

Sur les 81 romans déjà parus en français (recueils et collaborations comprises) j’en ai lu 58, ce qui n’est pas si mal. Je me donne 5 ans pour être à jour, et même en relire certains afin de les chroniquer ici, comme une gigantesque bibliothèque de mes impressions de lecture sur un de mes auteurs de Panthéon – on parlera de mon panthéon un jour mais les auteurs sont au nombre de 5, je vous laisse réfléchir aux noms qui le composent.

J’avais prévu que cette année soit SF et Fantastique et on est en plein dedans. Lovecraft, au menu cette année, à déjà été croqué en janvier et quand on sait à quel point il a inspiré le King, on reste bien dans le même bain. En terme de SF j’ai dépassé la moitié de mon recueil Total Recall de K. Dick et j’aurai beaucoup de chose à dire c’est sûr, déjà sur le travail d’édition plus que moyen – ponctuation manquante, majuscule oubliée, etc – mais également sur le contenu de ces nouvelles.

En attendant je vous laisse, je dois aller laver ma voiture avant de passer à l’institut, mais prenez le temps de finir votre café et allez lire mes autres revues sur Stephen King, vous ne serez pas déçus. Bon sauf si vous êtes du genre à trembler devant une araignée !

À ce sujet, vous voulez bien vous occuper de celle énorme qui dort dans l’angle de la fenêtre là ? Vous serez gentil… trèèès gentil. Grand Merci Sai.

Bonsai !


Revue Littéraire : Carrie de Stephen King

Hello There !

Je sais, j’avais dit dans mon bilan que je ne finirais pas ce livre avant un bon moment, et puis la semaine dernière on m’a offert Après, sa dernière parution en poche, et je me suis retrouvé atteint à nouveau de Kinguite aigu. Est-ce grave ? Et bien, si on considère que j’ai fini Carrie en une soirée alors qu’il m’en restait une bonne moitié, oui ça doit l’être.

Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas vu Steve sur le blog. Il est probablement l’auteur que j’ai le plus chroniqué ici, avec pas moins de 11 parutions déjà – dont un article 4 en 1. Au cas où vous ne le sauriez pas, tout a commencé ici avec lui et tout finira potentiellement avec lui aussi. N’empêche qu’il n’en finit pas d’écrire et qu’avec 75 ans au compteur et presque autant de romans je n’arriverai probablement jamais à tous les chroniquer. Néanmoins, il nous faut essayer. Comment ça je viens de me mettre un défi tout seul, là, en écrivant et réfléchissant à l’implication de ma phrase ? Possible, c’est tout à fait mon genre. Vous savez, comme « Mac Fly » dans Retour Vers le Futur – « Personne ne me traite de mauviette » –, ou celui qui tout seul, parfois bêtement, se lance des défis devant tout le monde et après se sent obligé de les tenir. Dans mon cas, la plupart du temps c’est juste pour voir si j’en suis capable, ou encore examiner ce que ça pourrait donner. Le hic, c’est que j’aime bien relire mes autres articles sur le King avant d’en rédiger un nouveau afin de ne pas être redondant et que vous ayez toujours un truc à apprendre sur ma relation avec Steve, ou sur lui tout simplement, mais à ce rythme, à chaque fois que je rédigerai une revue, je vais me retrouver avec plus d’articles de blog à lire que de mots à écrire. Quoique.. Je suis comme lui, je suis verbeux. J’aime bien m’écouter parler.

Pourtant pour une fois, le livre que je vais chroniquer est court, diablement court pour du King. Il s’agit de son premier roman, celui du succès, déjà, rien que ça : Carrie.

Quatrième de couverture :

Carrie White, dix-sept ans, solitaire, timide et pas vraiment jolie, vit un calvaire : elle est victime du fanatisme religieux de sa mère et des moqueries incessantes de ses camarades de classe. Sans compter ce don, cet étrange pouvoir de déplacer les objets à distance, bien qu’elle le maîtrise encore avec difficulté… Un jour, cependant, la chance paraît lui sourire. Tommy Ross, le seul garçon qui semble la comprendre et l’aimer, l’invite au bal de printemps de l’école. Une marque d’attention qu’elle n’aurait jamais espérée, et peut-être même le signe d’un renouveau ! Loin d’être la souillonne que tous fustigent, elle resplendit et se sent renaître à la vie. Mais c’est sans compter sur la mesquinerie des autres élèves. Cette invitation, trop belle pour être vraie, ne cache-t-elle pas un piège plus cruel encore que les autres ?

Il était une fois…

Je crois que tout le monde connait la petite histoire de la genèse du livre mais, au cas où, je m’en vais vous la conter. Il était une fois le couple King qui à l’époque n’est pas riche. On pourrait même dire que c’est la misère. Ils vivent dans une caravane avec leurs deux enfants et Stephen cumule les jobs pour payer les factures, il est gardien et pompiste la nuit, employé d’une blanchisserie industrielle l’été et professeur d’anglais le reste du temps. Sa Buick tombe en ruine et lorsqu’il doit téléphoner, il court à la cabine téléphonique la plus proche. Il désespère de vivre de l’écriture, son rêve. Il vend bien quelques nouvelles à Cavalier, un magazine de charme, mais à vingt dollars chacune d’elle on ne peut pas dire que c’est la gloire.

Et puis un jour, un courier du lecteur le met au défi : “Vous écrivez toutes ces choses machistes, mais vous êtes incapable d’écrire sur les femmes. Les femmes vous effraient.” Ni une ni deux, coincé entre sa machine à laver et son sèche-linge, une clope au bec, Steve commence à rédiger sur sa vieille machine à écrire le début d’une histoire inspirée de deux filles de son lycée qui étaient la risée de tous : l’une d’elle avait une mère fondamentaliste et possédait un crucifix grandeur nature dans son salon quand l’autre était la cible des garces de l’école à cause de sa tenue vestimentaire. Seulement après trois pages, il ne trouve pas ça convainquant et jette le tout dans la corbeille, préférant aller boire une bière au bar du coin.

And the rest is history.

Alors qu’elle fait le ménage, Tabitha King trouve dans la poubelle de son mari, sous un tas de cendre et de mégots Pall Mall, non pas une fée magique de la corbeille, mais trois feuilles roulées en boule qu’elle déplie pour lire. Lorsque Steve rentre le soir du travail, Tabby lui montre les feuilles froissées et lui dit qu’il tient quelque chose et qu’elle peut l’aider, notamment à comprendre la psychologie féminine. Elle l’encourage à continuer. Elle va l’aider à rédiger la fameuse scène d’introduction de la douche ainsi qu’à nuancer certaines réactions, le renseigner sur les rapports entre filles à l’adolescence et sur leur … enfin vous voyez.

Neuf mois plus tard, – oui comme dans les contes de princesse – Carrie est née. Après le refus d’une trentaine de maisons d’édition, Doubleday finit par accepter le roman pour 2500 $ et le publie le 5 avril 1974 à 30 000 exemplaires, dont 13 000 sont vendus la première année. Le roman sort en édition de poche l’année suivante et se vend à plus de 1 300 000 exemplaires en moins d’un an. Très vite, les droits sont cédés pour une adaptation au cinéma, avec un chèque de 400 000 $ à la clé. Sa carrière est lancée. Carrie sortira en France en avril 1976 et sera traduit par Henri Robillot.

Il parait que derrière chaque grand homme se cache une femme. Une chose est sûre, Carrie c’est bien un bébé fait à deux dans une caravane. Sans sa femme, Steve ne serait peut-être pas Roi, il ne serait peut-être même plus de ce monde à mon avis. Alors comme King qui l’a remercie dans la préface, je tiens à mon tour à dire : Merci Tabby, merci pour toutes ces magnifiques heures passées en compagnie de votre mari.

Mon avis :

Mais trève de petites histoires, parlons de ce que j’ai pensé de celle-ci. Stephen King dit lui-même qu’il ne trouve pas le roman génial, que ce n’est pas son meilleur. Si je me réfère à ma première lecture du roman il y a .. ouch déjà, presque 30 ans, je lui donne raison. À l’époque, j’avais déjà lu Simetierre, Le Fléau, Ça, et forcément ce livre n’avait pas eu la même force évocatrice pour moi que tous les précédents. D’autant plus qu’il traitait d’une sujet totalement informe pour un adolescent de 16 ans : les femmes et leur… complexité, on va dire, avec tout ce qui va avec… enfin, vous voyez. Déjà en proie avec mes propres hormones comment j’aurais pu comprendre celles des filles et tous ces petits jeux mesquins entre elles ? Pour autant, la fin m’avait plu avec toute cette débauche de violence sur fond de vengeance, un truc au fond bien masculin pour un ado de 16 ans dans les années 90.

On ne va pas raconter l’histoire en elle-même, elle est souvent connue, déjà par le statut iconique du livre puis par le film de Brian de Palma. Cette relecture a été très différente pour moi, je l’ai beaucoup plus appréciée que la première. Je l’ai même carrément aimée. L’expérience des années, ma connaissance plus profonde de la structure d’un récit et mes hormones en moins m’ont permis de mieux comprendre les personnages et les intentions de Steve. J’ai vraiment savouré certaines séquences, comme la scène d’introduction ou toute la deuxième partie du livre qui, pour un jeune auteur, est quand même diablement maîtrisée. Laissez-moi vous dire ce que j’ai retenu de tout ça.

Tout d’abord le style et la forme. Par rapport à ses romans plus connus il est ici plus direct, concis. Comme toujours, son récit s’ancre dans le réel à partir d’éléments quotidiens, à l’aide de marques, ou des références culturelles, chansons, émissions de TV. pour le coup ça peut paraitre un peu démodé, mais comme d’autres auteurs avant lui, il laisse une trace de son époque, il dresse un portrait saisissant de son Amérique. Il adopte également une forme originale. Pas inexistante au niveau de la littérature mais peut-être surprenante pour un premier roman : le texte est entrecoupé d’extraits de livres, d’articles de journaux – on ouvre même par ça – de passages d’un rapport de commission, nous dévoilant, bien avant son terme, la fin du roman. King est un adepte de la prolepse, ce procédé qui consiste à faire un bon dans le temps du récit afin de révéler un élément par anticipation. Il le fait généralement en une phrase bien placée en fin de chapitre. Cela crée un certain suspense, une tension, une attente subconsciente. Comment ? On ne lit plus totalement pour connaitre la fin mais pour savoir ce comment, le voyage et non la finalité pour motivation. Il l’utilise à outrance dans tous ses romans et moi j’ai toujours trouvé ça cool. Ici, c’est par le biais de ces extraits que nous savons quasiment dès les premières pages ce qui va arriver. Mais on ne sait pas comment. J’ai lu par-ci, par-là, que certains avait été gênés par cette narration, je peux l’entendre, d’autant qu’il n’y pas une grande mise en page ou une typographie spécifique pour séparer ces extraits de la narration traditionnelle. Pour ma part, ça ne m’a pas dérangé, au contraire, je trouvais que ça donnait des respirations à l’ensemble, mais surtout que ça relançait l’histoire grâce à un point de vue différent. Et puis ça donne beaucoup de profondeur au tout, encore une fois une sensation de réalisme. Un style et une forme originale maitrisés pour une première, sa patte apparaît déjà, plus timide que d’habitude peut-être, mais n’en voulez pas à un jeune premier qui participe à son premier bal, il a de quoi animer la soirée si vous lui en donnez l’opportunité.

La maturité des problématiques abordées est indéniable. Bien sûr, tout le monde ne lit pas pour décortiquer une oeuvre, ne se pose pas systématiquement de questions, préférant juste apprécier une histoire pour ce qu’elle est : une histoire. Et ce livre peut être lu comme tel, comme souvent chez King d’ailleurs. Mais il serait dommage de passer à côté de ce qui fait le sel de son oeuvre : la critique. Parce qu’au travers de ce qui bien souvent est une histoire de gens ordinaires, vivant des histoires extraordinaires, au milieu de l’Amérique profonde, Steve en profite pour nous faire réfléchir à notre fonctionnement social, aux dérives de notre monde.

Coutumier du système scolaire par son métier et sa formation, il est bien placé pour écrire sur la place des adultes dans les milieux éducatifs, et ce qu’il nous livre ici est sans appel, ils ont failli. Tous. Ils n’ont pas su gérer la situation, ni la comprendre d’ailleurs. Sont-ils coupables ? Difficile à dire, parce qu’il ne les blâme pas, se gardant bien d’affirmer qu’on ferait mieux. Cela renvoie à un drame récent dans les Vosges, pas loin de là où j’ai grandi et été au lycée avec mon King dans la poche, et même si la ville n’a pas brûlé comme dans Carrie, une vie a été perdue par manque d’écoute et d’inaction. Aurions nous fait mieux ? Je me garde bien de l’affirmer. Les enfants sont-ils les vrais coupables ? Franchement, peut-on estimer un enfant totalement responsable de ses actes ? Nous, adultes, ne sommes-nous pas là pour guider, conseiller, gérer, encadrer, éduquer ? Facile à dire, moins évident dans les faits. Car l’éducation, ce n’est pas que l’école, ce sont aussi les parents. Là encore, King va se faire une joie d’en parler. Entre Margaret White, la mère religieusement fanatique de Carrie ou le père de Chris Hargensen, un avocat qui passe tout à sa fille grâce à son argent et ses relations, le Roi nous offre des personnages plus que réels et bien caractérisés avec des thèmes forts dont l’influence sur leurs progénitures est fatale.

Parce que Carrie, c’est une critique violente de la religion, de l’immobilisme, de l’étroitesse d’esprit, du fanatisme. Ce premier roman dévoile déjà ce qu’il sait faire de mieux : camper des personnages à la psychologie complexe mais tout à fait plausible. Les personnages féminins sont à l’affiche comme pour répondre au défi lancé, et ce ne sont pas que des saintes, c’est le cas de le dire. Mention spéciale à Margaret White et Chris Hargensen qui sont même des femmes fortes, bien qu’excessives et détestables en tout. Et que dire de Carrie ? Il nous offre ses émotions, ses attentes, ses peines avec une profonde sincérité, visant juste. Si on a un peu d’empathie, on ne peut qu’être de son côté à la fin, même si beaucoup d’innocents vont mourir par sa faute… ou par celle des adultes, sa mère en tête ? Au travers du pouvoir de Carrie, King nous envoie un message : méfiez-vous qu’un jour ces gens rabroués, mal-aimés, moqués ne se trouvent pas en position de pouvoir, méfiez-vous que vos méfaits ne se retournent pas contre vous, dans la colère et le sang. Il est presque normal que Steve ait choisi un pouvoir psychique comme élément fantastique pour son roman, lui à l’imaginaire télékinésique capable de déplacer des montagnes, et de nous transporter au dessus de l’arc en ciel – Hello Dorothy.

Son sens de la mise en scène éblouit le lecteur dans la deuxième partie du livre. Le contraste paillettes/strass et destruction est un pur moment de littérature. Les effets pyrotechniques sont top ! Il y met tout ce qu’il aime, écrivant sur ce qu’il connait le mieux – un de ses conseils –, les voitures rafistolées, la musique Rock, et surtout du sang. Ce sang de l’alliance nouvelle et éternelle.. vous avez la ref ? Car oui, tout du long le rouge recouvre les pages, il est là au début avec la scène des douches, il l’est encore dans les seaux renversés, sur le doigt coupé de Margaret, sur le christ crucifié dans le salon des White, sur le doigt de Carrie lorsqu’elle se blesse avec la mine du crayon, il est l’incarnation de la vie mais aussi de la mort. Il y a plein de subtilité à son sujet, révélant à quel point, Steve est déjà un grand auteur aux qualités narratives incroyables et pas juste un écrivain populaire sans style.

Conclusion

C’est un très bon premier roman en fait, meilleur que dans mes souvenirs. Les personnages, les thématiques, la forme, le style, le tout en 288 pages, sont parfaitement maîtrisés. Aurais-je vu tout ça dans le livre à 16 ans ? Certainement pas ! Est-ce que ça valait le coup de le lire si jeune ? Bien sûr que oui ! Il est le tout premier auteur à m’avoir interrogé, même si je ne pigeais pas tout à l’époque par manque d’expérience. C’est peut-être pour ça que j’ai apprécié cette relecture presque 30 ans après. Parce qu’aujourd’hui j’y vois plus qu’une histoire, j’y vois de vrais sujets que je comprends parce que j’ai pu franchir ce cap difficile de l’adolescence sans trop de bosses, grandir et vieillir. Carrie est pour moi un classique de la littérature au même rang que Sa Majesté des Mouches de William Golding. Alors si vous n’avez jamais lu le Roi et que vous cherchez une porte d’entrée pas trop lourde en pages, ce livre est fait pour vous. D’ailleurs, venez j’en ai plusieurs exemplaires, je peux vous en prêter un si vous voulez. Suivez-moi ils sont dans ma voiture juste là dans la ruelle au bout. Comment ? Si ma voiture c’est la Plymouth Fury 58 là-bas, près du hangar ? Ah oui, oui, c’est bien elle. Christine que je l’appelle.

Note : 8/10

Un petit mot sur l’édition présentée, avec les nouvelles couvertures de Livre de Poche que je trouve géniales et rafraîchissantes au point que je me les rachète toutes petit à petit mais ça prend du temps – oui les budgets ne sont pas extensibles et plus de 40 bouquins à presque 10 balles chaque, ça claque.

Si vous ne savez pas comment j’ai connu le Roi, c’est par ici que j’en parle.

Et si vous vous posez la question de quel est mon roman préféré du maitre, c’est par là.

Je vous recommande également le podcast du Roi Stephen si vous voulez écouter des résumés et analyses des livres du King.

Un grand merci Sai de m’avoir lu. Je vous retrouve très vite pour de nouvelles Revues… si d’ici là le Croquemitaine ne m’a pas mangé dans une salle de cinéma, très bientôt.

Bonsai!

Éditions présentées Livre de Poche. Nouvelles Couvertures. 288 pages EAN : 9782253096764. Dépot légal : Janvier 2010. Toutes les images présentées dans cet article sont la propriété exclusive de leurs auteurs.

Revue littéraire : Les Montagnes Hallucinées illustrées tome 1 et 2, François Baranger – Lovecraft

Hello There !

Aujourd’hui je ne vais pas vraiment vous parler de Lovecraft qui, comme vous le savez peut-être, est un des mes auteurs préférés, mais plutôt de celui qui a su donner vie à cet univers cosmique incroyable, François Baranger. Artiste né en 1970, aux multiples talents, romancier, illustrateur et concept designer pour le cinéma (Harry Potter, Le Choc des Titans) ainsi que pour des jeux video, il nous dit avoir découvert Lovecraft adolescent et très vite avoir eu envie d’illustrer les textes, notamment son préféré : Les Montagnes Hallucinées. Il se trouve que c’est le mien également, alors comment dire que lorsque ces magnifiques livres sont sortis, je n’ai pas caché mon envie de les avoir, ce qui conduisit une de mes filles, de 12 ans à ce moment là, à prendre sur son argent de poche pour me l’offrir à Noël. Probablement que cette couverture incroyable a stimulé son imagination, a éveillé quelque chose en elle au point de vouloir me l’offrir, et qu’elle me rejoindra un jour par delà ces montagnes plus hautes que l’Everest, où la folie guette. En attendant je la remercie tendrement et lui dédicace cette revue. Bisous, et encore merci ma puce.

Quatrième de couverture :

« Corona Mundi… Toit du Monde… »

Toutes sortes de formules fantastiques nous vinrent aux lèvres tandis que nous contemplions, depuis notre point d’observation vertigineux, l’incroyable spectacle.

Arkham, 1933. Le professeur Dyer, éminent géologue, apprend qu’une expédition scientifique partira bientôt pour l’Antarctique avec pour ambition de suivre les traces de celle qu’il avait lui-même dirigée en 1931. Dans l’espoir de dissuader cette tentative, Dyer décide de faire un récit complet des tragiques événements auxquels il survécut, cette fois sans omettre les passages qu’il avait écartés à son retour, de peur d’être pris pour un fou.
Deux ans plus tôt, les navires affrétés par l’université Miskatonic avaient accosté le continent glacé au début de l’été austral, et le contingent de quatre professeurs et seize étudiants s’était mis aussitôt au travail. Les premiers résultats ne s’étaient pas fait attendre et le biologiste de l’expédition, le professeur Lake, était parti de son côté avec plusieurs membres de l’équipe afin de suivre une piste fossilifère prometteuse.
Au bout de quelques jours à peine, il avait annoncé par radio avoir découvert de stupéfiants spécimens d’une espèce inconnue, extraordinairement ancienne, avant de cesser toute communication après une terrible tempête. Pressentant le pire, Dyer s’était porté à leur secours le jour suivant. Ce qu’il avait découvert sur place dépassait ses craintes les plus folles…

Paysages déserts glacés, créatures innommables vieilles de plusieurs millions d’années découvertes dans un état de conservation anormal, étranges structures géométriques au sommet de montagnes noires, plus hautes que l’Everest… Cette nouvelle de Lovecraft a inspiré des générations d’auteurs et de réalisateurs, de John Carpenter, lorsqu’il réalise The Thing, à Guillermo del Toro qui rêve de la porter à l’écran.

Fasciné depuis toujours par l’univers de H.P. LovecraftFrançois Baranger, illustrateur reconnu dans le monde pour ses talents de concept artist pour le cinéma et le jeu vidéo, s’est attelé à la tâche « cyclopéenne » de mettre en images ses principaux récits.

Mon avis :

Pièces maîtresses parmi ma collection, ces deux tomes, parus à un an d’intervalle, sont d’une qualité rare. Une préface de Maxime Chattam, auteur à succès de thrillers mais que je connais plus pour sa casquette de rôliste, ouvre le tome et comment ne pas être d’accord avec lui lorsqu’il parle du travail de François Baranger. L’essence même de l’histoire semble avoir été cristallisée dans de somptueuses photographies alors que nous avons affaire à des illustrations. Il a su donner vie de la plus belle des manières à un récit des plus fantastiques. Dans une interview récente au podcast C’est plus que de la SF (lecteur en bas de l’article), François Baranger expliquait que ce qui le fascinait dans les textes lovecraftiens, ce n’était pas l’horreur, mais le mystère. Avec un don remarquable pour les jeux de lumière, camouflant certaines zones ou en mettant d’autres en avant, par teintes ou par détails météorologiques, il instaure une ambiance, qui petit à petit s’empare de nous, comme la folie se saisit des protagonistes. Les ombres, le choix de l’angle de vision, contribuent à susciter l’angoisse chez le lecteur, encore plus particulièrement dans le tome 2 je trouve, où les souterrains et galeries très loin de la lumière du jour permettent à l’imagination de s’enflammer.

Mais c’est peut-être encore dans ce qu’il y avait de plus compliqué à montrer en pleine lumière qu’il excelle. François Baranger a su donner vie à une cité dont les descriptions de Lovecraft rendaient difficile la perception. Avec ses angles et ses formes géométriques atypiques, le défi était de taille. Grâce à lui, nous pouvons voir, sous nos yeux ébahis, la cité des Anciens prise dans les glaces éternelles de l’Antarctique, dérouler ses paysages sur des kilomètres ! Les détails sont d’une minutie incroyable, et comme les héros du texte nous avons le souffle coupé, les nappes de nuages contribuant toujours à nous laisser baigner dans un mystère angoissant.

Ce travail, fait par numérique pour des raisons évidentes de gain de temps et de praticité, permettant de tester plusieurs couleurs et trames, magnifie le texte de Lovecraft. Les tons bleutés et gris rendent le froid omniprésent et j’ai dû plus d’une fois aller chercher un plaid lors de mes lectures tardives au cœur de la nuit. La grande taille des albums (27 x 35,7 cm) est parfaitement adapté à ce style de livre visuel, et Baranger indique qu’il voulait ce format, il avait une idée très précise depuis longtemps de ce qu’il voulait faire. Un projet mûri sur plusieurs années et concrétisé une première fois avec L’Appel de Cthulhu, première album illustré de la série, ce qui était un choix logique au vu de la popularité du titre et lui permettait de vérifier la viabilité commerciale du projet afin de réaliser son véritable rêve de gosse : donner vie à son texte favori dont les images le hantaient depuis sa première lecture.

Chaque tome possède 64 pages. Les illustrations sont en double page et le texte en surimpression. Il est parfois dur à déchiffrer, mais je dis ça vraiment pour pinailler. Certaines phrases sont mises en exergue par une police plus grosse de manière à faire ressortir l’élément phare qui a inspiré à l’artiste son choix d’illustration. Pour autant, je ne m’attarderai pas sur le texte, j’ai déjà donné mon ressenti sur ce roman de Lovecraft que l’on retrouve dans le tome 2 du mythe édité chez Bragelonne, et dont il s’agit ici exactement de la même traduction. C’est peut-être là, où le bat blesse. Depuis que j’ai lu la nouvelle édition intégrale traduite par David Camus chez Ménmos, que j’ai lu et écouté chez Audible la version anglaise, je suis profondément attristé de me dire que sur ces magnifiques illustrations ne se trouve pas surimprimée la meilleure des traductions réalisées. Heureusement pour les puristes, il existe aussi un version anglaise.

Conclusion

François Baranger nous offre une oeuvre titanesque, cyclopénne, qui je n’en doute pas, avec le temps et la rareté, deviendra collector. Après L’Appel de Cthulhu et Les Montagnes Hallucinées en deux tomes, il ne compte pas s’arrêter là, ce qui prouve que le succès est au rendez-vous aussi bien en France qu’à l’international. L’Abomination de Dunwitch est sorti fin 2022 et il travaille déjà sur Le Cauchemar d’Insmouth. Pour ma part, même si je pense rêver debout et que j’ai peu de chance que l’auteur puisse lire ces lignes, je rêverais de voir L’affaire Charles Dexter Ward, en double album également. C’est mon second texte préféré du Maitre de Providence, et je serais prêt à donner mon âme à Yog Sothoth pour ça. Bon peut-être pas… mais en tout cas mes euros à François Baranger. Allez, réjouissons-nous d’avoir un artiste d’un tel talent en France et souhaitons lui un vif succès afin d’avoir le plus de ces albums illustrés. Bravo l’artiste.

Note : 10/10

Bonsai!

Voici l’interview réaliser par le podcast C’est plus que de la SF :

D’autres avis :Au pays des cave Trolls Les Lectures de Xapur

Editeur : Bragelonne – Traduction : Arnaud Demaegd – Date de parution : 16/10/2019 et 21/10/2020 – 64 pages

Toutes les images présentées dans cet article sont la propriété exclusive de leur auteur et ont été proposé gratuitement par François baranger sur ses réseaux sociaux. La photo Entête d’article est la propriété de la Taverne et ne saurais être utilisé sous peine de Shoggoth au fond du lit.

Revue Littéraire : Le Corps de Stephen King

Bonjour à toi, lecteur d’Automne,

Cher lecteur, chère lectrice, nous continuons notre voyage au cœur de cet automne brumeux et pluvieux. À l’heure où j’écris ces lignes un crachin venteux piquette ma maison, ponctué de-ci de-là de rafales qui s’écrasent en mitraille sur mes fenêtres. Les nuages gris roulent sous l’impulsion violente du vent, alors que la lumière peine à filtrer. Sur ma table de fortune – votre serviteur travaille dans des conditions proches de l’esclavage pour vous amener le meilleur de ses lectures – un café chaud accompagne ma prose qu’une lampe de bureau doit éclairer, alors que nous sommes encore en journée, afin de ne pas fatiguer mes yeux déjà trop usés. La luminosité est plus faible ces jours-ci, la température aussi, c’est le temps idéal, vraiment, pour aller faire une balade en compagnie du Maitre. L’année dernière, Tomabooks a lancé l’automne du King sous le hashtag #automneduking, et ayant beaucoup apprécié le concept, j’ai remis ça cette année. Il s’agit de ma troisième lecture du King pour ce challenge après Élévation et L’Outsider. Je vais vous parler de la nouvelle la plus autobiographique écrite par Stephen King : Le Corps.

Quatrième de couverture :

J’allais sur mes treize ans quand j’ai vu un mort pour la première fois. Parfois, il me semble que ce n’est pas si lointain. Surtout les nuits où je me réveille de ce rêve où la grêle tombe dans ses yeux ouverts.
Été 1962, quatre adolescents un peu fous s’élancent le long de la voie ferrée, à la recherche d’aventure, de frisson… de danger ?

Mon avis :

Les choses les plus importantes sont les plus difficiles à dire, des choses dont on finit par avoir honte parce que les mots ne leurs rendent pas justice – les mots rapetissent des pensées qui semblaient sans limites, et elles ne sont qu’à hauteur d’homme quand on finit par les exprimer.

Stephen King

J’ai lu cette nouvelle il y a plus de 25 ans alors qu’elle faisait partie intégrante du recueil Différentes Saisons. À l’époque – et mon dieu que j’étais jeune ! – ce n’était pas la nouvelle qui m’avait le plus marqué alors que le livre en comptait 3 autres. Je dirais même pour être honnête que je ne m’en rappelais pas du tout. Cette relecture aura eu du bon, donc. Il est rare que je ne me rappelle pas d’une lecture, quand bien même elle date. Il faut croire que le temps finit par craqueler notre mémoire. Enfin, pas celle de King. Cette nouvelle le prouve.

On va tout de suite régler un point tout à fait personnel sur cette édition. Il ne s’agit en aucun cas d’un roman. C’est une nouvelle. Longue, certes. Mais une nouvelle. L’éditer seule ? je ne suis pas convaincu de l’intérêt pour le lecteur, la couverture ne justifie même pas l’achat. Où sont passées les belles illustrations des éditions de ma jeunesse ? Ces couvertures qui vous dévoilaient un monde, vous donnaient envie de vous y plonger ? Mon premier achat, Simetierre en version poche – oui, quand tu es lycéen tu lis du poche parce que c’est moins cher et ça prend moins de place – était entièrement motivé par la couverture avec ce cimetière fait de croix de bois au milieu d’une clairière et en arrière plan, un bosquet surplombé par deux yeux faits de jeux d’ombres, transperçant une lumière spectrale, qui vous observait. La motivation de cette présente édition me semble ici purement commerciale et non artistique, à mon grand regret, et je ne juge pas opportun d’éditer une nouvelle à la façon d’un roman dans ces conditions. Ceci étant dit, d’une manière générale, les couvertures du King, bien qu’il n’en soit pas responsable, me déçoivent d’année en année. J’aime les illustrations. J’aime les illustrateurs. Remarquez, on peut faire de belle couv’ en photo aussi, c’est un art également, mais les rééditions de ces dernières années en poche me laisse complètement sur ma faim, à croire qu’on ne veut plus engager d’illustrateurs, encore une fois pour des raisons économiques. Tristesse. Quand je vois les gens s’emballer sur la réédition du Fléau avec sa couverture tout en vert… mouais… moi aussi je sais dessiner un corbeau sur une couv’ bichromatique. Je préfère mon édition, donc pas de rachats pour moi. Désolé.

Mais bref ! Trêve de digressions sur ce sujet. Passons au cœur du livre. King nous livre une de ses plus belles préfaces. Une des plus intimes aussi. Pourquoi ? Pour nous prévenir. Cette nouvelle n’est pas une simple histoire, elle est autobiographique. Oh, bien sûr, pour ceux qui connaissent bien sa vie, son oeuvre, on sent où commence la vérité et où la fiction prend la relève pendant le récit, mais il a toujours mis une grande part de lui dans ses écrits, c’est connu.

Plus jamais je n’ai eu d’amis comme à douze ans, et vous?

Stephen King

Au travers d’un narrateur qui se nomme Gordy Lachance et qui ressemble étrangement à notre écrivain favori, nous allons vivre – ou revivre par procuration – une tranche de vie adolescente, en partageant l’expédition incroyable de quatre jeunes de 12 ans à la recherche du corps d’un garçon qui a disparu et qui semble se trouver au bord d’une voie ferrée. Le but du voyage ici n’est pas le plus important et je l’ai même oublié par moment lors de ma lecture. Non, le vrai but du récit est ailleurs. Cette randonnée morbide n’est qu’un prétexte pour King pour nous remémorer ce que c’était d’être une bande de copains à douze ans. J’ai bien dit copain, je pense que cette histoire entrera plus en résonance auprès d’un public masculin « d’âge mûr » on va dire, car il faut être un garçon qui a un peu vécu et laisser son adolescence loin dans le rétroviseur pour comprendre certaines situations. J’ai lu beaucoup de commentaires disant que les termes homophobes qui émaillent le récit dans la bouche des quatre ados, dérangeaient. Et bien désolé, je n’ai pas l’âge du King et de loin, mais ces tendances existaient encore de mon temps, et il faut avoir été un garçon pour le comprendre. Si je devais expliquer ces pratiques, je dirais que c’est une question d’affirmation, comme montrer qu’on est un mâle alpha parmi d’autres, afin de ne pas se faire dévorer par la meute, un truc de virilité alors qu’on y est pas encore.

C’est un croisement terrible que le Maître nous amène là. L’enfance et la mort.

Le récit est bien construit malgré quelques longueurs inutiles, il s’articule comme un parcours initiatique où chaque étape est déterminante et permet à chaque garçon de réaffirmer qu’il sera bientôt un homme – avec ce que ça implique – à grands coups de bravaches verbales et de tours de force. C’est surtout pour chacun, une manière de tromper leur angoisse commune à tous, de la maintenir terrée tout au fond sous cloche, avec interdiction de remonter. Parce que quand on a douze ans, on ne sait pas ce qu’est la mort. La mort c’est un truc d’adulte. On ne l’imagine même pas. Et ça, c’est terrifiant. C’est un croisement terrible que le Maître nous amène là. L’enfance et la mort. Tout du long, jamais il ne dira qu’ils ont vraiment peur, jamais il ne dira combien ils ne veulent pas lâcher par fierté, parce que « les hommes » fonctionnent – bêtement aurais-je envie de dire – comme ça. Mais il illustrera ça de manière magnifique par leurs comportements, leurs mots. King a un don pour parler de l’enfance. Il se rappelle très bien de ses codes, et il a cerné de manière très précise toute la psychologie qui en découle. Ce voyage symbolise le rite de passage vers l’âge adulte. N’oubliez jamais : nous sommes tous le produit de notre enfance et nous faisons nos premiers choix dans notre vie d’adulte en conséquence. Cette nouvelle aborde ce fait, d’une certaine manière.

Conclusion :

En remontant le rail vers Le Corps, King remonte le temps et nous rappelle combien nous étions impressionnables et en même temps si insouciants étant jeunes. Alors que pour certains l’avenir semble déjà se dévoiler sous des funestes auspices et qu’ils en ont vaguement conscience, on continue à croire aux légendes urbaines, comme celle du chien du gardien de la décharge, ou aux histoires qui font peur, celles qu’on se raconte au coin du feu dans la nuit étoilée. On est persuadé que nos bobards sauront tromper nos parents, et qu’ils ne comprennent rien, sans nous douter qu’ils ont eu notre âge un jour et qu’ils s’en souviennent, aussi … oui… oh, oui.

Le King nous parle d’une époque plus lente, plus douce et plus violente aussi, dont ma génération a connu les derniers soubresauts avant de sombrer dans l’ère du numérique et du dématérialisé, dans l’air de la violence sociale en réseau. C’est une lecture triste et nostalgique. Oui. Bon nombre de lecteurs ont semblé déçus, persuadés de trembler de peur en lisant cette histoire. Malheureusement pour eux, point d’horreur mêlée de fantastique ici. Et c’est probablement la force de ce récit : la réalité est parfois bien plus horrible. King par son talent narratif arrive une fois de plus à traiter de thèmes profonds en quelques pages et à nous montrer que le plus terrifiant réside dans ce quotidien voilé derrière chaque fenêtre. Il ouvre, comme souvent, une porte sur l’innocence perdue avec notre enfance, et cela restera le thème majeur de son oeuvre, selon moi. Sa capacité à se remémorer nos codes, nos comportements, nos croyances, lors de cette époque d’insouciance bénie est sans aucun doute unique. Un récit sur l’enfance donc, et ses drames invisibles, ses horreurs muettes. Un petit bijou en quelque sorte, malgré quelques pages qui auraient pu être coupées sans pour autant gâcher le récit. Mais on lui en voudra pas, on adore l’écouter raconter !

La Note : 7,5/10

Vous pouvez aussi retrouver les avis de : Tomabooks

Edition présentée : Albin Michel. Paru le : 2/10/2019 ISBN :2226445366 Traduction : Pierre Alien

Revue Littéraire : Cthulhu : Le Mythe Livre II par H. P. Lovecraft (Recueil édité par Bragelonne)

H.P. Lovecraft. Quand j’étais au Lycée, je ne connaissais ce nom que par le biais de Stephen King qui le citait dans certaines de ses préfaces et également par le Jeu de Rôle l’Appel de Cthulhu auquel je ne jouais pas, trop attiré par son grand frère Donjons et Dragons. Le temps passant, je rangeai ce nom dans un tiroir de ma mémoire, ne le consultant que lors de rares références lues dans un article ou dans un roman. Il y a quelques temps – même des années finalement, le temps file si vite – je me penchai à nouveau sur cet auteur que j’avais classé au rang de « référence » en me fiant de manière certaine aux témoignages des autres sans pour autant prendre le temps de juger par moi-même. Cela commença par une découverte audio grâce à Hardigan qui proposait de découvrir gratuitement L’Appel de Cthulhu. Je tombai sous le charme de ce style si particulier, découvrant ou plutôt redécouvrant la mise en abîme, un procédé efficace lorsqu’il s’agit d’un récit horrifique. Suite à cet écoute, je profitai là encore d’une opération promotionnelle de Bragelonne au début de l’été 2019 pour acquérir sur ma liseuse le premier recueil, Cthulhu : Le Mythe I, du même éditeur dans lequel on retrouve en pièce maîtresse le texte cité plus-haut que pour ma part j’ai aimé malgré certaine critique sur sa faiblesse narrative. Quelques lectures plus tard, la lumière du jour déclinant, le froid recouvrant de son voile paralysant nos contrées maritimes et novembre accompagné de son cortège funéraire d’Halloween se présentant sur le pas de ma porte, me permirent de me plonger, m’immerger, dans cet univers fait de textes courts, de nouvelles, longues pour certaines, pendant des heures de lectures inoubliables, bercé par les hurlements des molosses au loin et des sifflements plaintifs du vent, secouant mes volets, balayant ma lande noyée sous une pluie diluvienne et apocalyptique en ce début d’hiver, le dernier peut-être?

Très vite, après ces premières frayeurs digérées, le tome 2 m’attira, comme un appel irrépressible. Il fut bientôt mien et je parcourus rapidement ses pages impies alors que les fêtes de Noël battaient leur plein. Le père Noël n’oublia pas de contribuer à ma folie en laissant sous le sapin le somptueux livre illustré par François Baranger et préfacé par Maxime Chattam: Les Montagnes Hallucinées. Ça tombait bien, parce qu’il ne s’agissait que de la première partie et que dans le deuxième recueil de Brage que je lisais à ce moment-là, il y avait la nouvelle en intégrale avec sa traduction revue et son nouveau titre, Les Montagnes de la démence, plus proche de la VO, mais moins poétique à mon goût. Mais avant d’arriver à cette dernière il me fallait franchir bien des frayeurs, parcourir bien des sentiments, pour la plupart terrifiants, confinant à la folie. Le maitre de Providence avait-il réussi à instiller une peur atavique dans mon esprit avec ses mots, son phrasé cyclopéen venu d’une époque littéraire précambrienne, rédigé sous l’emprise d’une horreur sans nom venue des confins du cosmos?

Tout d’abord, suite à cette présentation des circonstances de ma rencontre avec le mythe, je dois signaler avant d’entrer dans le vif du sujet, que lors de ma lecture, j’ai recherché avidement des avis sur ce tome 2, mais mis à part celui de Lorkhan, je n’en ai pas trouvé beaucoup. Plutôt que de rédiger un avis sur le premier tome finalement assez chroniqué par beaucoup de bloggueurs, j’ai donc choisi de vous parler de celui-ci, et peut-être des deux autres suivants que je n’ai pas encore lus, si l’occasion se présente.

Au menu :

Azathoth
Histoire du Necronomicon
Nyarlathotep
Dagon
De l’au-delà 
Le molosse
La musique d’Erich Zann
Par-delà le mur du sommeil
Le temple
La peur qui rôde
La couleur tombée du ciel 
L’ombre immémoriale
Les montagnes de la démence

Mon avis

Les trois premiers titres ne sont que de courts écrits de quelques pages à peine. Très poétique, teinté d’une musicalité exquise avec une phrase d’ouverture d »un style complexe devenu rare de nos jours à l’heure de la littérature « efficace », le premier texte, Azathoth, nous offre un panorama assez précis sur les capacités de l’auteur. Vous pouvez y voir une critique des styles actuels, oui, pourtant ce n’est pas le cas, je garde tout simplement une tendresse particulière pour ces artisans de l’écriture qui prirent le temps de peaufiner leur art, sur leur machine à écrire où la moindre rature, où un mot mal choisi entraînait invariablement la chute de la page dans la corbeille sous le bureau. En fait, je constate simplement que de nos jours, dans beaucoup de livres, nous rencontrons des phrases courtes à la structure simple et même si je peux comprendre l’utilisation de ce procédé suivant le contexte – accélération du rythme, création d’une dynamique – je pense toutefois que dans une certaine mesure c’est le manque de maîtrise grammaticale qui en est peut-être la raison profonde. Sans plagier mon confrère blogueur cité plus haut, tout comme lui je ne peux m’empêcher de vous livrer ce passage afin de vous permettre de juger de la qualité du style de Lovecraft :

Lorsque la vieillesse tomba sur le monde et que les hommes perdirent leur capacité à s’émerveiller, quand les villes grises dressèrent dans les cieux voilés les hautes tours funestes et laides dans l’ombre desquelles on ne pouvait plus rêver ni au soleil, ni aux prés florissant du printemps, quand le savoir dépouilla la terre de son manteau de beauté et que les poètes ne chantèrent plus que les fantômes déformés par leurs regards troubles et tournés vers l’intérieur, quand toutes ces choses arrivèrent, effaçant pour toujours les espoirs enfantins, un homme quitta la vie pour voyager dans l’espace où s’étaient enfuis les rêves du monde.

H. P. Lovecraft – Azathoth

Les deux textes suivants sont dans des registres différents : Histoire du Necronomicon se veut un historique précis, relatant les dates importantes qui émaille sa création et sa vie – oui, les livres ont une vie aussi. Ce genre de texte me convient parfaitement dans ce type d’ouvrage constitué comme un canevas de textes reliés entre eux dans un univers commun, il rajoute de la profondeur et du réalisme au mythe. Nyarlatothep par contre ne m’a pas convaincu. Trop vague, lien peu évident avec le reste, même si l’on reverra cette entité sous une autre forme plus tard, il manque des références pour vraiment en savourer la profondeur. Un histoire peu passionnante au final.

Dans les autres nouvelles qui m’ont laissé de marbre, ou ont eu peu d’impact sur ma fièvre de lecture on peut citer De l’au delà, La peur qui rôde et Par-delà le mur du sommeil. Des trois c’est encore cette dernière qui était la plus intéressante par son thème, surtout que l’auteur nous la relie, pour qui s’intéresse à l’histoire de l’astronomie, à un phénomène bel et bien réel survenu en 1901 dans la constellation de Persée. Autant dans le premier tome nous avions droit à un « préambule » sur l’auteur et son oeuvre, autant ici il est dommage que ces informations ne soient pas données. Comme je suis un lecteur curieux du contexte d’écriture, je n’hésite pas à me documenter sur le texte que je suis en train de lire, mais il aurait été utile et agréable d’avoir une sorte d’appendice, rendant justice à l’auteur sur la qualité de sa documentation et de ses recherches en matières de sciences, sa véritable passion après l’écriture et paradoxalement source de ses pires angoisses, ainsi que sur le contexte d’écriture – commande, production personnelle – et l’origine de ses inspirations. Si la première et la dernière nouvelles de ce triptyque pas si mauvais mais moins captivant sont de la pure SF tournant autour du de l’idée de plan astral, La peur qui rôde est une pure nouvelle d’horreur, avec un style efficace mais sur un sujet peu intéressant à mon goût tant les a priori raciaux de Lovecraft sont présents. C’est un des aspects que j’aime le moins chez lui, et même si sur la fin de sa vie, son racisme et son antisémitisme s’atténueront reconnaissant de lui-même s’être fourvoyé, certains de ses textes vu de notre époque sont un peu durs, de plus dans ce registre j’ai largement préféré L’abomination de Dunwitch du Livre I.

On monte en qualité…

Nous allons continuer à monter crescendo vers le meilleur de ce recueil, avec cette fois-ci un quatuor de nouvelles dans des registres bien différents mais aux thèmes et styles efficaces qui m’ont procuré beaucoup de fray.. euuuh , plaisir, je voulais dire plaisir cher lecteur et chère lectrice. Tout d’abord Dagon, un texte très court qui nous renvoie au Cauchemar d’Insmouth, dans le précédent livre et qui se déroule pendant la première guerre mondiale. Un récit maritime, encore une fois conçu comme les souvenirs couchés par écrit d’un soldat fait prisonnier en pleine mer et qui après s’être échappé est le témoin oculaire d’une manifestation étrange. L’océan et ses profondeurs sont au cœur de ce récit, sources des grandes peurs de l’auteur, et offrent un décor proche de ce que sera L’Appel de Cthulhu, bien que l’entité divine qui donna son nom au mythe ne soit pas le point central du récit, ni même présente, et que la technique narrative de la mise en abîme ne soit pas utilisée dans ce texte daté de 1917. Il s’agit donc ici d’une vraie réussite en peu de pages.

Viennent ensuite La Musique d’Erich Zahn et Le Molosse. Si le premier est un texte un peu à part dans l’oeuvre de l’auteur puisqu’il nous parle de musique, aucunement un de ses domaines de prédilection, le second est un pur récit Horreur-Fantastique dans un style baroque. Là où le premier se passe dans ce qui semble être une rue parisienne où logent essentiellement des étudiants, ainsi que le narrateur à une époque, mais qu’il ne retrouve plus, le second nous promène dans des lieux sombres où le mal hante les nuits. Caves, simetierres (clin d’œil assumé, ne m’en voulez pas! Je ne peux m’en empêcher) et jeux morbides sont au rendez-vous du Molosse, alors que violoncelle, virtuosité et mélancolie nous étreignent avec Erich Zahn. Et si la peur n’est pas dévoilée mais latente, tapie derrière le rideau, attendant son heure au cœur du quartier parisien transfiguré, vous aurez droit à de vraies terreurs sanglantes au son de hurlements inhumains sous une pâle lune blafarde avec la seconde nouvelle.

Le temple fait partie de ces nouvelles « classiques » chez le maitre de Providence mais dont l’efficacité est redoutable. Là encore, il s’agit d’un témoignage, comme pour Dagon et tant d’autres textes (dont ceux que j’ai gardé pour la fin, en guise de clou du spectacle), il préfigure l’efficacité qui caractérise les derniers écrits de Lovecraft. Toujours sur fond de conflit mondial, le narrateur, un officier allemand de la Kriegsmarine, nous raconte sa descente vers les profondeurs de la folie tant au sens littéral que figuré. Le choix de du point de vue n’est pas anodin puisque l’officier allemand de l’époque incarne le sérieux, la rigidité, la véracité pure, et même si celui-ci semble par moment caricatural, il donne un réalisme saisissant à ce récit qui nous entraîne inéluctablement en apnée vers le fond de l’océan, pour une fin en apothéose. Abyss à coté n’est rien (bon, j’exagère un peu).

L’apothéose.

Il faut croire que chez Bragelonne, on a le sens de la mise en scène car les 3 dernières nouvelles montent crescendo en qualité dépassant de loin à mon sens le reste du Livre II. On a tout d’abord La couleur tombée du ciel. France Culture nous propose une lecture audio de cette histoire sur son site en replay : La couleur tombée du ciel.

Ici, Lovecraft déploie tout son art pour mêler Fantastique, Horreur et Science- Fiction. Encore une fois le contraste entre les gens de la ville et des campagnes environnantes est saisissant, héritage d’une éducation bourgeoise et aisée qui l’incite à certains raccourcis sociaux et moraux sur ses semblables ruraux. H. P. est un héritier, plus précisément un héritier sans héritage, ce qui explique en partie certains traits de caractère de l’auteur dont la mélancolie et son pessimisme. Il faudrait un autre article pour analyser son oeuvre et ici n’est notre but. Quoiqu’il en soit le résultat est génial! Nous vivons encore une fois par le biais d’un témoignage oral cette fois-ci, l’histoire de la descente aux enfers d’une famille paysanne ayant été les témoins de la chute d’une météorite dans leur champ. Le narrateur, un ami de la famille en question, nous livre pas à pas les détails de l’affaire qui attira les scientifiques d’Arkham (ville fictive chère à l’auteur) 30 ans plus tôt, et les conséquences croissantes de cet événement jusqu’au clou final, hypnotique, terrifiant, qui vous glacera le sang dans votre fauteuil.

Où le cosmicisme est à son zénith.

« Nous vivons sur une île de placide ignorance, au sein des noirs océans de l’infini, et nous n’avons pas été destinés à de longs voyages. Les sciences, dont chacune tend dans une direction particulière, ne nous ont pas fait trop de mal jusqu’à présent ; mais un jour viendra où la synthèse de ces connaissances dissociées nous ouvrira des perspectives terrifiantes sur la réalité et la place effroyable que nous y occupons : alors cette révélation nous rendra fous, à moins que nous ne fuyions cette clarté funeste pour nous réfugier dans la paix et la sécurité d’un nouvel âge de ténèbres. »

H. P. Lovecraft

On arrive aux deux derniers textes. Ce sont les deux plus longs, et comme on dit : plus c’est long plus c’est bon. L’adage se vérifie en ce qui nous concerne ici. L’ombre immémoriale se construit comme un témoignage à nouveau. Il s’agit de l’histoire d’un professeur d’université qui nous raconte dans une première partie comment pendant 5 ans il a disparu. Pas physiquement non, seulement sa personnalité, envolée, remplacée, laissant les commandes de son corps à une autre « personne ». Et où était-il pendant ce temps-là ? C’est lors de rêves survenant après « son retour » qu’il va le deviner sans vouloir y croire. Dans la deuxième partie du récit, notre narrateur va entreprendre un voyage sur les traces de ses prémonitions oniriques qui le conduiront au bord de la folie, lui dévoilant de manière empirique l’horreur indicible de son « absence ». Je dois vous avertir que j’ai lu ce titre après l’ouvrage illustré des Montagnes Hallucinées et qu’il a drôlement fait écho à ce dernier qui se situe juste après dans le recueil. Aurait-il fonctionné sur moi avec la même intensité à l’inverse? Toujours est-il que tout les thèmes chers à l’auteur et à ce Cosmicisme dont il est l’instigateur se retrouvent dans cette histoire : civilisation antédiluvienne, horreurs cosmiques et, ce que je préfère, cité perdue. Il y a d’ailleurs ici probablement à un moment de l’histoire une référence à La cité sans nom, le premier texte du Livre I, mais l’auteur se garde de l’expliciter préférant laisser le lecteur tirer ses propres conclusions.

On arrive à la pièce maîtresse de ce recueil qui est presque en soi un roman tant le texte est long. Direction les terres glaciales et inhospitalières de l’Antarctique, continent à la force évocatrice incomparable et quasi inexploré à l’époque de la rédaction de Les montagnes de la démence – nouvelle traduction des Montagnes Hallucinées donc. Dernier bastion indompté de notre planète, c’est au travers du compte-rendu d’une expédition essentiellement à but géologique et financée par l’université de Miskatonic d’Arkham, que nous allons encore une fois être confronté à notre ignorance, notre impuissance face à un passé remontant au plus lointains éons géologiques et réapparaissant de manière fortuite au gré des recherches, nous rabaissant au statut de fourmis au sein de notre propre monde. Le texte est d’une qualité rare, peut-être son meilleur. Le vocabulaire scientifique est fouillé, maîtrisé, je ne me suis jamais autant intéressé au passé géologique de notre planète et les différentes périodes qui le composent, que lors de cette lecture. Je sais qu’il existe plusieurs sortes de lecteurs, ceux qui lisent et ne s’arrêtent pas sur un mot inconnu s’il ne nuit pas à la compréhension du texte et rentrent dans le cadre global d’un contexte entendu, et ceux – je confesse faire partie de cette catégorie – qui ne peuvent manquer l’opportunité de s’enrichir même si ce mot ne sera pas revu ou réutilisé ultérieurement. Ce récit est une véritable mine d’or de par sa richesse stylistique et lexicale. L’auteur prend son temps usant et abusant de plus en plus au fil de la narration des adjectifs qui sont sa marque de fabrique, nous amenant d’un récit scientifique vers une horreur sans nom, indicible. La peur d’ailleurs ne se situe pas toujours où l’on veut le croire, et Lovecraft sait créer l’angoisse sans nous en montrer l’origine.

«Si je désapprouve cette méthode, laisser la porte fermée plutôt que de l’ouvrir, c’est parce que je pense que ceux qui l’utilise partent déjà perdant.»

Stephen King Anatomie de l’horreur chapitre 6

Vous le savez, j’adore le Roi, mais là pour le coup je lui donne tort. Peut-être l’arrogance de sa jeunesse et son succès fulgurant le poussa-t-il à écrire cette phrase, peut-être avait-il oublié le visage de ses pères, il n’empêche que Lovecraft nous donne à tous une leçon dans le domaine : il n’est point besoin de montrer pour terrifier, car il s’agit bien ici de terreur. Au fur et à mesure que le récit avance et que l’expédition bascule tout d’abord dans l’horreur puis dans la terreur, le décor déjà immense, inquiétant, hostile, s’agrandit afin de rendre l’espèce humaine encore plus insignifiante, nous laissons deviner que nous sommes les derniers rejetons d’un univers trop vaste et incompréhensible pour notre condition humaine.

Conclusion :

Ce deuxième recueil m’a encore plus marqué que le premier par la qualité de ses textes, surtout les trois derniers, et je m’étonne qu’on en parle pas plus que du premier qui lui est inférieur sur bien des aspects. Lovecraft manie la plume d’une manière qui lui est propre, inimité, avec un lexique recherché et fort à propos, tout bonnement exquis pour tout amateur de fiction horrifique et fantastique. Une lecture à mettre donc dans toutes les bonnes bibliothèques de l’imaginaire sans tarder. Attention tout de même à ne pas le laisser trop près de votre lit, on ne sait jamais, les portes du rêve pourraient bien vous expédier aux confins de l’univers, là où tapies dans l’ombre des profondeurs noires et glaciales, les grandes entités cosmiques attendent de vous rendre fou.

la note : 8,5/10

Edition présenté : Cthulhu : Le mythe Livre II aux éditions Bragelonne ISBN :978-2-8205-2320-4 traduit par Arnaud Demaegd, illustrateur: Loïc Muzy, 434 pages.

l’Automne du King : mon tout premier challenge!

Un article un peu différent pour une fois, car je vais passer en revue non pas un mais quatre romans ! J’ai découvert tout à fait par hasard l’existence du challenge #automneduking sur Instagram. Comme je venais de finir de lire Le signal de Maxime Chattam, je me trouvais imprégné de l’humeur nécessaire à ce genre de lecture. De plus il me reste encore pas mal de King à lire et qui dorment dans ma PAL. Je me suis donc fait une petite sélection de 4 livres à lire entre le 20 septembre et le 20 octobre : Roadmaster, Doctor Sleep, Mr Mercedes et Carnets Noirs. Pourquoi ne pas aller jusqu’au 20 décembre comme le suggère le challenge ? Parce que Steven Erikson m’attendait avec la suite de son Livre des Martyrs dont le tome 4 sortait le 18 octobre plus d’autres livres que je m’étais promis de lire avant la fin de l’année. Voici donc mes retours dans leur ordres de lectures pour ce petit challenge, my first one.

Mr Mercedes

En 2009, dans le Midwest, alors que des centaines de chômeurs font la queue à l’entrée d’un salon consacré à la recherche d’emploi, une Mercedes fonce à toute allure dans la foule et fuit après avoir tué huit personnes. Un an plus tard, Bill Hodges, policier à la retraite, reçoit une lettre du conducteur, toujours en liberté, l’entraînant dans un vaste jeu du chat et de la souris.

Depuis longtemps j’étais attiré par cette trilogie dont tout le monde parle. J’ai donc entamé avec un certain plaisir ce King que je n’avais jamais lu. L’histoire se situe pendant la crise des subprimes en 2009, une crise financière qui a générée de grave problème d’emploi et d’économie aux USA, une crise que nous avons ressenti aussi en Europe mais avec une force moindre. Ici encore une fois, Stephen King nous dépeint l’Amérique profonde avec justesse et empathie. Si l’intrigue est plutôt agréable à suivre, je n’ai pas senti le Roi très à l’aise avec l’intégration des nouvelles technologies dans son roman (internet, téléphone portable etc.) De plus le temps utilisé ici est le présent, et clairement ce n’est pas ma tasse de thé. Certes, cela donne un rythme que l’auteur cherchait peut-être à imprimer pour simuler la course en avant de la chasse ouverte entre un flic et sa proie…
Ou est-ce l’inverse ?
En tout cas ça a gâché en partie mon plaisir de lecture, tout comme le fait de connaitre le tueur fou à la Mercedes assez rapidement dans le livre. Je peux comprendre ce choix narratif qui rend possible le jeu du chat et de la souris qui se déroule entre Hodges et le chauffard, mais au final ça, plus d’autres interactions entre les personnages que j’ai trouvé peu réaliste (je ne vous en dit pas trop pour ne rien dévoiler), ne m’ont pas aidé à faire décoller le plaisiromètre. Peut-être suis-je devenu trop exigeant avec le maitre ? Un bon moment mais sans plus.

La note: 6/10

Roadmaster

Un inconnu s’arrête dans une station-service perdue au fin fond de la Pennsylvanie, au volant d’une Buick « Roadmaster », un magnifique modèle des années 1950… qu’il abandonne là avant de disparaître. Alertée, la police vient examiner le véhicule, qui se révèle entièrement factice et composé de matériaux inconnus.

Et si rouvrir les portières de la mystérieuse automobile revenait à ouvrir les portes de l’horreur ?

Alors qu’il rentrait de sa résidence en Floride pour Bangor dans le Maine, Stephen King s’arrête à une station service en Pennsylvanie où il manque de tomber dans une rivière en sortant des toilettes situées à l’arrière du bâtiment. Sa curiosité l’a entraîné trop prêt du bord abrupt et seul un empan métallique se dressant au milieu de sa descente parmi une monceau de pièces mécaniques dormant sur le bord du cours d’eau, lui permettra d’arrêter sa chute. Il ne lui en faut pas plus pour mûrir une idée au volant de sa voiture alors qu’il reprend la route : Roadmaster est né.
Ce récit m’a transporté malgré un passage à vide vers la moitié du livre. Nous allons suivre la vie d’une unité de police d’état en Pennsylvanie qui cache dans un hangar une Buick Roadmaster depuis les années 70. Le jeune Ned Wilcox, dont le père il n’y pas si longtemps était encore un membre de cette unité, profite d’un boulot d’été dans le service des transmissions au sein de l’équipe policière pour remonter le temps et découvrir comment son père disparu trop tôt est mêlé d’une manière très intime à l’histoire de cette voiture.
A mi-chemin entre le fantastique et l’horreur, un peu à la mode de Lovecraft, ce livre est avant tout une histoire d’amour, celle d’un fils pour son père parti trop tôt. Avec sa narration si spéciale faite de flasback et de différents points de vue, il nous emmène sur les chemins de la mémoire le tout teinté d’une profonde réflexion sur la différence ou plutôt l’inconnu et les peurs qui en découlent. Un voyage dont on ressort fasciné par sa qualité narrative. Pas de grands méchants ici, ni de péripéties explosives, juste des hommes soudés entre eux par un secret qui les relie, dépassant leur entendement, et un jeune homme en quête d’identité et qui cherche à faire revivre son père au travers des souvenirs de ses collègues de la police.

La note : 8/10

Danny Torrance a grandi. Ses démons aussi… Hanté par l’idée qu’il aurait pu hériter des pulsions meurtrières de son père Jack, Dan Torrance n’a jamais pu oublier le cauchemar de l’Hôtel Overlook. Trente ans plus tard, devenu aide-soignant dans un hospice du New Hampshire, il utilise ses pouvoirs surnaturels pour apaiser les mourants, gagnant ainsi le surnom de « Docteur Sleep ». La rencontre avec Abra Stone, une gamine douée d’un shining phénoménal, va réveiller les démons de Dan, l’obligeant à se battre pour protéger Abra et sauver son âme.

Le point d’orgue de cet automne frissonnant. Le chef d’oeuvre de ce mois de lecture royale. Stephen King renoue avec un personnage qu’il avait laissé alors âgé de 5 ans devant un hôtel en cendre et orphelin de père. J’ai lu Shining il y a plus de 25 ans et c’est donc avec un réel sentiment d’avoir vieilli en temps réel avec lui, que j’ai retrouvé le petit Dan Torrance qui a eu une vie bien difficile après la mort de son père, plus que la mienne en tout cas. Entre son pouvoir qui ne cesse de le tourmenter et les traumatismes laissés par son père, il va tout doucement rejoindre le bar des loosers et s’abandonner dans la boisson. King parle souvent de l’alcool dans ses livres, notamment dans Les Tommyknockers où il nous campe un alcoolo en quête de rédemption. Ici, encore une fois, il retourne vers ses démons personnels au travers de l’écriture, avec la nuance qu’il ne boit plus, ce qui nous donne un récit où il n’est plus cet alcoolique cherchant à arrêter de boire mais plutôt le parrain qui guide Danny vers la voie de la sobriété. On parle souvent de cet aspect du livre lorsqu’on lit la promotion qui l’accompagne, mais le vrai nœud (sans aucun jeu de mot) de l’intrigue se situe ailleurs, avec Abra, une petite fille que l’on va voir venir au monde, puis grandir et s’éveiller au Shining d’une manière bien plus puissante que Danny. Jusqu’ici tout va bien dans l’univers du King, sauf que forcément un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
Ah non ce n’est pas la bonne histoire..
Un grand pouvoir attise la convoitise de ceux qui s’en nourrissent. Et ce pouvoir va devenir l’attention du Noeud Vrai, une sorte de groupe de vampires qui se nourrissent de l’énergie vitale et surtout de la souffrance.
Avec ce livre, Stephen King revient à ses premiers amours avec brio et signe un récit fantastique-Horreur de grande qualité, porté par des personnages passionnant. J’avais vraiment l’impression de relire un de ces premiers romans, où la prose glisse toute seule et nous emmène au coin de la rue, dans le noir, là où les monstres existent et nous attendent. Un pur chef-d’oeuvre.

La note : 9/10

En prenant sa retraite, John Rothstein a plongé dans le désespoir les millions de lecteurs des aventures de Jimmy Gold. Rendu fou de rage par la disparition de son héros favori, Morris Bellamy assassine le vieil écrivain pour s’emparer de sa fortune, mais surtout, de ses précieux carnets de notes. Le bonheur dans le crime ? C’est compter sans les mauvais tours du destin… et la perspicacité du détective Bill Hodges.

Pour conclure ce challenge autour du King, je me suis plongé dans la suite de la trilogie Hodges. M’y plonger fut facile, en ressortir fut laborieux, en cause le temps utilisé dans le récit. Ce dernier se coupe en deux. Tout d’abord le passé : Fin des années 70, on nous raconte l’histoire de Morris Bellamy, fan invétéré de Jimmy Gold un personnage fictif de roman, qui vient s’en prendre à son auteur pour cause de retraite anticipé de son héros. Comment ne pas voir Misery derrière cette partie de l’histoire, la grande peur du King, le fan qui devient fou face à l’évolution de son personnage favori, et quand on voit certains débordements aujourd’hui autour de certaines grandes licences cinématographiques, on se dit qu’il a raison d’en avoir peur. Cette partie est rédigée à l’ancienne avec les temps classiques de la narration et c’est clairement dans ce récit qui fait un peu plus de la moitié de l’histoire, que j’ai pris le plus de plaisir. Le décor, les personnages, la magie fonctionnait bien qu’il n’y avait rien de fantastique dans cette partie. Serais-je nostalgique des années de mon enfance ?
La seconde partie se passe dans cette ville du Midwest présentée dans Mr Mercedes et débute le jour où Brady, le tueur fou à la Merco, fonce dans une foule en tuant 8 personnes, et en blessant d’autres gravement. Le père de Peter Saubers, un jeune adolescent, fait partie des victimes et c’est le jeune Peter qui malgré son âge va trouver une solution pour aider ses parents en temps de crise économique et familiale. Bien que l’histoire des Saubers et le lien qui est fait avec la première partie du récit soit plutôt bonne, encore une fois le retour du présent comme temps de narration ne m’a pas convaincu. De plus Hodges fait presque office de personnage secondaire, il a toujours un temps de retard. Le final est quand même bien écrit et plus réaliste que le premier, et le maitre nous donne les clés de liaison entre Monsieur Mercedes et le dernier tome de la trilogie, Fin de Ronde, au travers d’une unique séquence plutôt savoureuse. Une bonne lecture, mais qui aurait pu avoir une meilleure note sans mon aversion pour le présent en temps principal de récit.

La note : 7,5/10

Voilà, j’espère que cette revue de non pas un, mais quatre romans du King vous a plu! Pour ma part je me dirige vers d’autres eaux littéraires puisque je viens de terminer La Maison des Chaines, le quatrième tome du Livre des Martyrs de Steven Erikson , et que je vais entamer la suite de Wild Cards, Aces High, l’anthologie présenté par GRR Martin, mais pas avant avoir déguster Nightflyers et autres récits en guise de mise en bouche.
En attendant bonne lecture, et bon voyage sur les sentiers de l’imaginaire…

Bonsai!

Editions présentés dans cet article, pour Albin Michel : Carnets Noirs, traduit par Océane Bies et Nadine Gassie ISBN:9782226388971 . Roadmaster traduit par François Lasquin ISBN:2226150765. Pour j’ai lu : Mr Mercedes traduit par Océane Bies et Nadine Gassie ISBN:9782253132943 ; Doctor Sleep traduit par Nadine Grassie ISBN:2253183601

Revue littéraire : Le Signal de Maxime Chattam (spécial Halloween!)

Maxime Chattam n’est plus un auteur qu’on présente évidemment et nous avons déjà parlé de lui sur ce blog à l’occasion de 2 livres : Le 5e Règne et La Conjuration Primitive. Ces deux livres sont totalement différents dans le thème abordé, dans la qualité de narration. Si La Conjuration Primitive faisait preuve d’une maturité née d’années d’écritures engrangées, Le 5e règne lui, avait l’innocence et la naïveté d’écriture d’un jeune auteur, et ce n’était pas pour me déplaire. Alors que justement je lisais Le 5e Règne courant 2018, l’auteur annonça sur les réseaux sociaux qu’un prochain livre allait sortir et qu’il serait dans le même thème que celui-ci, à savoir horreur et fantastique, et s’intitulerait Le Signal.

L’idée de relire un « second » 5e Règne, me rendit plein d’excitation et dès sa sortie en septembre 2018 je l’achetai, aussi bien en version papier qu’en e-book. Alors qu’autour de moi et sur les réseaux sociaux je pouvais voir que ce livre était excellentissime, qu’il était maîtrisé de main de maitre, je me retrouvai soumis à un teasing et une promotion incroyable fait par l’éditeur et l’auteur lui-même, relié par les lecteurs fans de l’auteur (mais qui à mon avis ne connaissait chez lui que ses thriller), me promettant un grand moment de lecture-frisson.

Depuis ma première lecture en 2018 de L’Alliance des Trois, je suis devenu un grand fan de Maxime Chattam et pas seulement de ses écrits mais de l’homme. Très abordable, très simple, échangeant facilement avec ses lecteurs, il partage aisément quelques-unes de ses passions qui sont assez proches des miennes, notamment il essaye d’aider à promouvoir le jeu de rôle au travers de participation vidéo ou via l’écriture de scénario et de livre de contexte pour Black Book édition. Qu’il se rassure, ma déception n’entachera pas mon estime à son égard. Car oui je suis déçu, je m’attendais à mieux, quelque chose d’aussi réussi que le packaging du livre en lui-même. Ce volume est d’une manufacture rare dans le monde de l’édition avec ses pages liserées de noir comme un faire-part de condoléance, une illustration sobre sur la couverture, nous invite à pénétrer dans un monde parallèle où les couleurs disparaissent au profit d’un monde bichromatique teinté d’argent, comme un double négatif de notre réalité.

Quatrième de couverture :

La famille Spencer vient de s’installer à Mahingan Falls. Jusqu’ici, tout va bien. Un vrai paradis. Si ce n’étaient ces vieilles rumeurs de sorcellerie, ces communications téléphoniques brouillées par des cris inhumains, ce quelque chose d’effrayant dans la forêt qui pourchasse leurs adolescents, et ce shérif dépassé par des crimes horribles.
Avez-vous déjà eu vraiment peur en lisant un livre ?

Mon analyse :

Presque un an après avoir l’acheté et être passé par diverses lectures dont un grand coup de cœur avec le cycle du Livre des Martyrs, je me suis lancé dans lecture du Signal, histoire de prendre une bonne bouffée d’horreur et de fantastique à l’approche d’Halloween. Il était le premier d’une série de livre que j’avais programmé pour l’automne et son ambiance macabre, et après une première séquence d’introduction plutôt forte et bien écrite, me faisant frissonner de contentement, très vite en tournant les pages j’ai ressenti comme un malaise, ma première impression s’estompant peu à peu au profit d’une peur finalement encore plus terrifiante que celle à laquelle le récit essayait de me soumettre. Une sensation de déjà-vu, de copier-coller, de grande marmite dans laquelle on aurait ajouter tout ce qu’on a sur ses étagères pour nous fabriquer soi-disant la meilleure potion de tout le pays. Malheureusement les ingrédients en question sont éculés, pire ils ont déjà été utilisé dans d’autres recettes et n’ont plus leur charme magique, créant l’alchimie essentielle pour subjuguer le lecteur. Un peu la même impression qu’on ressent en regardant un vieux film d’horreur qu’on aurait vu et revu et qui à la fin ne nous fait plus vraiment peur mais plutôt nous fait sourire.

Le pot magique à frisson, le Graal de tous les écrivains d’horreur…

Lorsque je relis mes notes de lecture je remarque qu’encore une fois j’ai mis du temps à m’attacher aux personnages. On se moque souvent de Stephen King qui tartine des centaines de pages parfois sur certains personnages, mais c’est dans ces cas-là qu’on se rend compte de l’importance de le faire : Il rend vivant le contexte, il donne de la profondeur à ses personnages, crée du relief. Il m’a fallu plus de 300 pages avant de commencer à m’attacher à certains d’entre eux. Et là où le bât blesse, c’est que lorsque mon personnage préféré a fini par y passer, oui il faut s’y attendre dans ce genre d’histoire, je n’ai rien ressenti. Pas la moindre sympathie, empathie ou tristesse ou ce que vous voulez. Tout simplement parce que sa mort a été décrite d’une manière on ne peut plus impersonnelle, et que la profondeur du personnage nous permettant de nous identifier ou de développer des sentiments à son encontre n’existait pas ou peu.

L’histoire a donc décollé vers le tiers du livre pour ma part. Dans le fond, même si par moment l’auteur sait nous tenir en haleine avec un jeu de va-et-vient entre les différents protagonistes, certaines transitions ou scènes semblent aller à l’encontre de la logique du récit. Il précipite certains événements importants alors qu’à d’autres moments la narration se trouve ralentie ou engluée dans des considérations secondaires sans qu’on puisse savoir ce qui justifie un tel choix. Des choses arrivent (je pense à la scène des oiseaux) et nous n’avons un semblant d’explication qu’une centaine de pages plus loin. Des personnages sont esquissés, nous laissant croire à une quelconque utilité au récit pour finalement juste avoir de la matière à hémoglobine pour la fin. Car oui le grand final est sanglant évidemment comme toujours dans ce genre de livre, et le jeu des pronostics pour savoir qui va survivre n’est finalement pas si compliqué quand on connait le contexte d’écriture du livre et la personnification de la famille Spencer.

Pour la forme, lorsqu’il s’agit de rédiger des descriptions horrifiques, l’auteur est à son aise, il y a vraiment des scènes qui donne le frisson ou la chair de poule, je pense notamment à la scène d’ouverture ou à la scène avec la baby-sitter (même si elle rappelle, un peu trop à mon goût, Scream de Wes Craven). Les descriptions corporelles dans divers contextes sont, là encore, précises et chirurgicales. Pour le reste il y a quand même des choses qui m’ont choqué, car bien qu’il ne soit pas l’auteur français avec le plus grand style, loin s’en faut, il sait généralement raconter une histoire, comme dans Autre-Monde que j’ai adoré et qui reste à mes yeux son travail le plus abouti. Or là, plusieurs fois les dialogues n’ont pas été écrit, mais décrit. Je trouve que c’est une erreur, faisons parler les personnages, laissons les vivre ! Créons du relief !

Vous croyez en Dieu monsieur Spencer?

— À défaut d’être convaincu je demeure prudent.

Malgré tout ces défauts de styles et de choix narratifs, les thèmes abordés sont intéressants, notamment en ce qui concerne la vie après la mort, la force énergétique des esprits, les cultes ou encore l’emprise du passé sur le présent. Mais là encore, si je dis oui à beaucoup des théories ou réponses qu’il apporte sur ces grandes interrogations de l’humanité, je n’accroche pas à ce besoin cartésien de relier sciences et spiritualité comme il le propose dans son dénouement, et la fin du livre en ce point m’a déçu.

Conclusion :

Une lecture que j’ai terminé en oscillant entre plaisir et déception. Plaisir lorsque certaines scènes faisaient mouches, déception lorsque d’autres ressemblaient clairement à ce que j’ai déjà pu lire avant, dans les œuvres de Lovecraft, King ou Poe. Pour un habitué du genre, ce livre n’apportera souvent rien d’autre que de la consternation lorsque vous vous demanderez quand s’arrête la propriété des idées et où commence le plagiat. Vous ne cesserez de sortir de l’histoire du livre pour vous poser avec un regard analyste afin de retrouver où vous avez déjà lu ça et les différences de forme entre les deux séquences. Pour les autres, qui sont lecteurs de Chattam et notamment de ses thrillers, je dirais qu’une porte a peut-être été finalement ouverte. Par fidélité à l’auteur, ils vont aller lire son livre et découvrir ce genre que nous aimons tant pour peut-être en tomber amoureux. De ce point de vue l’auteur a parfaitement réussi son coup vu la percée médiatique du livre.

La note:

4/10

Voilà. Désolé Maxime, mais ce livre ressemble trop à un fan-book des maitres du genre que sont Lovecraft et King, et sa magie n’a pas fonctionné sur moi!

N’hésitez pas à me laisser en commentaire, votre avis. Vous êtes nombreux maintenant à passer par ici , et j’aimerais beaucoup connaitre vos ressentis sur les livres abordés. Pensez à vous abonner également afin de ne rien rater des prochains articles à venir, et à cliquer sur le bouton j’aime ci-dessous si vous avez apprécié la chronique!

Bonsai!

L’édition présenté: Le Signal édition Albin Michel parution le 23/10/18. ISBN : 2226319484

Revue Littéraire : les Tommyknockers de Stephen King

Toc toc .

Qui c’est?

C’EST NOUS!

LES TOMMYKNOCKERS !

Je ne pense pas qu’il soit utile de présenter Stephen King. Nous en avons déjà parlé sur ce blog. À bientôt 72 ans il n’a plus rien à prouver. Il est connu dans le monde entier, et si ce n’est pas votre cas alors vous avez vécu dans une grotte ces 40 dernières années. Cette réflexion m’amène à me poser la question : comment faites-vous pour lire mon article alors…? depuis votre grotte.

Je m’amuse depuis quelques années à relire les premiers romans du Maître, ceux d’avant l’accident de 1999, de la première période beaucoup plus horrifique, ceux de mes premiers plaisirs de lectures, assis sur les marches des escaliers de la cours du lycée, mon walkman hurlant Enter Sandman dans mes oreilles, un café dans un gobelet plastique de la machine à portée de main et une Camel pendant mollement à mes lèvres. Les Tommyknockers que je vous présente aujourd’hui avait cette particularité que je ne le possédais pas. Lors de ma première lecture, au lycée, un ami m’avait prêté son édition France Loisirs. Du coup je ne l’avais jamais re-feuilleté comme je le fais avec la plupart des livres que j’ai, ne serait-ce que pour m’imprégner à nouveau de l’ambiance ou relire une passage que j’ai aimé. L’attraction pour ce titre fut donc décupler par mon désir de le posséder et de redécouvrir l’histoire dont seuls quelques filaments verdâtres traînaient encore pendouillant mollement à mes souvenirs de jeunesse.

C’est donc avec impatience et plaisir que je m’immergeai dans ce livre écrit au milieu des années 80, qui est probablement le dernier qu’il ait écrit sous l’emprise de certains produits stupéfiants et de l’alcool. Mais je reviendrai plus tard sur l’implication de son état physique lors de l’écriture. Tout d’abord découvrons le résumé.

Quatrième de couverture:

Tard, la nuit dernière et celle d’avant Toc! Toc! à la porte – les Tommyknockers Les Tommyknockers, les esprits frappeurs… Je voudrais sortir, mais je n’ose pas Parce que j’ai trop peur du Tommyknocker.

Tout commence par les rythmes apaisants d’une berceuse ; et pourtant, sous la plume de Stephen King, les vers anodins se muent en une inoubliable parabole de l’épouvante, qui entraîne les habitants pourtant bien sages et terre à terre d’un paisible village dans un enfer plus horrible que leurs plus abominables cauchemars… ou que les vôtres.

Une histoire fascinante et démoniaque que seul Stephen King pouvait écrire. Et lorsqu’on frappera à votre porte, par prudence, mettez la chaîne, si tant est qu’une chaîne suffise…

Mon avis :

Première partie ou présentation des protagonistes.

Ce livre se découpe en 3 parties. La première présente les deux personnages principaux. Tout d’abord son héroïne, Roberta Anderson, romancière de western qui vit seule avec son chien, un Beagle nommé Peter, dans la petite ville de Haven dans l’état du Maine. Elle découvre par hasard en trébuchant dessus un morceau de métal qui dépasse du sol dans le bois derrière chez elle et il va très vite devenir une obsession. Les obsessions sont une idées récurrentes chez King. Creuser…creuser..mais pour déterrer quoi? Quelque chose qui va changer la vie des habitants de Haven. Une invasion sous forme d’évolution, d’amélioration.

Puis nous faisons la connaissance de Jim Gardener, Gard comme elle le surnomme, son meilleur ami qui fut un temps son amant. C’est un professeur d’université qui a deux passions dans la vie : la première c’est l’alcool, la seconde combattre le nucléaire. Quand je dis deux passions c’est un euphémisme, ce sont bien sûr plutôt des obsessions.

Notre bon vieux Jim nous offrira certaines des scènes les plus éloquentes de cette première partie en terme d’humour et de réflexion sur notre espèce, car bien sûr Stephen King ne se contente pas de raconter une histoire, chaque mot, chaque phrase, est calculé pour nous faire réfléchir. Ses personnages, toujours aussi bien construit et qui paraissent tellement réels grâce à son phrasé unique et leurs travers, leurs faiblesses, très proches des nôtres, nous interrogent sur notre monde.

Un des bons vieux arguments de Gard contre le nucléaire est l’exemple de la catastrophe de Tchernobyl. Car l’histoire se passe en 1988 et je rappelle pour tous les petits jeunes qui me lisent et ceux qui ont passé les quarante dernières années dans leur grotte que le 12 avril 1986 la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine vit son réacteur entrer en fusion, suite à des défauts de conception et surtout aussi à pas mal d’erreurs humaines, et exploser provoquant ainsi un nuage radioactif qui recouvrit une bonne partie de l’Europe et votre serviteur par la même occasion alors qu’à l’époque j’habitais dans l’Est de la France. On peut supposer que King a rajouté ces éléments en cours d’écriture car les dates à la fin du livre indique qu’il a commencé la rédaction de cette histoire en 1982. Or, à cette époque, à part quelques incidents survenus sur des centrales aux États-Unis tel que Three miles Island, Il n’y avait rien eu de tel ailleurs. D’ailleurs je crois que c’est la première fois qu’écrire un livre lui a prit aussi longtemps, d’après les dates données par l’auteur, il a passé 5 ans sur cette histoire.

Est-ce que M. Kilowatt était un Ami de la Poésie? Presque autant, se dit Gard, que lui-même était un Ami de la Bombe à Neutrons.

S.K

Nous voici donc avec deux protagonistes bien différents et qui pourtant nous ont déjà accrochés par leur côté obsessionnel à tous les deux. Ils vont bien sûr être réunis pour le meilleur et pour le pire.

Deuxième partie ou quand le King écrit beaucoup….

La deuxième partie du récit s’attache à nous présenter la ville où se situe l’histoire. Et bien que boulimique de lecture et grand fan de son style, j’avoue que par moment il y eut certaines longueurs. Evidemment tout arrive à qui sait attendre et l’on découvre toujours au bout d’un moment à quoi nous sert la présentation de certains personnages, mais il faut être honnête, beaucoup ne servent à rien si ce n’est agrémenter le décor, et montrer de quelle manière l’excavation en cours chez l’héroïne influe sur le comportement des habitants de la ville. L’auteur se fait plaisir avant tout, après tout il a le droit, et certaines de ses petites histoires sont sympa, mais dispensables pour la plupart.

Troisième partie ou quand l’histoire monte en puissance.

C’est dans la troisième partie que tout s’accélère enfin et que les choses se décantent pour nous emmener vers un final, plutôt indécis jusque dans les dernières pages. Pour ceux qui disent que le Roi ne sait pas terminer ses livres, ici je ne suis pas d’accord. Le final me semble juste et sans ambiguïté. Et le maître mot qui me vient à l’idée c’est Rédemption. La rédemption d’un alcoolique qui avec ses maigres moyens tente de sauver le monde (rien que ça!). De quelle menace et y parvient-il? je vous laisse le découvrir. Cette réflexion est presque anecdotique car le plus important, c’est que ce livre a sans doute aidé son auteur à se sauver lui-même. Comment ne pas voir le parallèle entre ses propres problèmes de drogues et d’alcool et l’obsession, thème majeur du livre, dont font preuve les protagonistes, obsessions qui les tuent petit à petit, consciemment même par moment, tout comme lui se détruisait aussi à cette période de sa vie de la même manière.

Stephen King nous dit dans Ecriture, mémoires d’un métier :

Attention il spoile un peu l’histoire, vous êtes prévenus!


« Au cours du printemps et de l’été 1986, j’ai écrit Les Tommyknockers, travaillant souvent jusqu’à minuit passé, le cœur battant à cent trente, des boulettes de coton enfoncées dans les narines pour étancher les saignements provoqués par la coke.

Les Tommyknockers est un récit de science-fiction dans le style des années quarante, dans lequel l’héroïne, un écrivain, découvre un vaisseau extraterrestre enfouis dans le sol. L’équipage est toujours à son bord, vivant, mais en état d’hibernation. Ces créatures envahissent votre cerveau et se mettent simplement… à vous tommyknocker. Vous bénéficiez d’une certaine énergie et d’une forme superficielle d’intelligence, en échange vous donnez votre âme. Telle fut la meilleure métaphore pour les drogues et l’alcool que put trouver mon esprit fatigué et en surtension. »

SK

Conclusion:

Lovrecraft n’est jamais bien loin chez le Roi, et ce récit de science-fiction semble très inspiré par l’auteur de Providence. Malgré quelques longueurs dans la deuxième partie du livre, j’ai passé un excellent moment à le relire. Son style inimitable et sa narration m’ont porté tout du long. J’ai lu la dernière partie du livre sans m’arrêter, engloutissant les 300 dernières pages et finissant très tard au cœur de la nuit, encore émerveillé par la dernière vision de Gard notre poète anti-nucléaire. Comme d’habitude le temps de lecture y est pour beaucoup dans ma note, car il reflète mon attrait pour le livre, et quand vous lisez un livre de près 1000 pages en version poche en seulement quelques jours vous ne pouvez nier avoir pris du plaisir!
Je recommande ce livre à tous les fans de la première période du King, et tous ceux qui aiment la SF. Evidemment l’avancée technologique dont nous sommes témoins rend obsolète certaines des prouesses des habitants de Haven, mais il faut savoir remettre les choses dans leur contexte : disons-nous que Jules Vernes n’est pas attrayant car la technologie qu’il décrit est dépassée?
Pour ce bon moment, Monsieur King je vous mets la note de :

8/1O

Bonsai!

Edition présenté : Livre de Poche traduit de l’américain par Dominique Dill. 960 pages. Date de parution: 07/01/2004 – EAN : 9782253151463 – Editeur d’origine: Albin Michel