Hello There !

Comme chaque année, aussi vrai que l’automne revient avec son cortège de fantômes à Halloween, le King s’invite dans ma playlist. C’est certainement dû au fait que depuis quelques années, lors de mes longues soirées d’automne et d’hiver, je lis très régulièrement du Lovecraft, et une lecture en entraînant une autre…Je tombe sur le disciple. Je ne dirai pas qu’il a dépassé le maître car ils sont à deux extrémités du spectre de la littérature horrifique. Quand l’un pose des ambiances et laisse peu de place aux interactions et à l’action, l’autre, bien qu’il s’intéresse tout autant à l’aspect psychologique de ses personnages, en profite pour disséquer la société américaine, et de manière générale le mode de vie occidentale. J’ai lu, il y a peu, que King est un écrivain que l’on peut classer chez les naturalistes, et il est vrai qu’il y a un peu de ça si on retire le fantastique – mais non l’horreur, car cette dernière est malheureusement quotidienne, il suffit de lire les journaux. Au travers de 4 nouvelles, Si Ça Saigne n’échappe pas à la règle et nous plonge dans 4 histoires de tailles et de qualités inégales, mais qui sont toujours au cœur de notre quotidien. Il en profite pour retrouver des thèmes qui lui sont chers, y compris certains personnages.

Quatrième de couverture :

Les journalistes le savent : si ça saigne, l’info se vend. Et l’explosion d’une bombe au collège Albert Macready est du pain bénit dans le monde des news en continu. Holly Gibney, de l’agence de détectives Finders Keepers, travaille sur sa dernière enquête lorsqu’elle apprend l’effroyable nouvelle en allumant la télévision. Elle ne sait pas pourquoi, mais le journaliste qui couvre les événements attire son attention…
Quatre nouvelles magistrales, dont cette suite inédite au thriller L’Outsider, qui illustrent une fois de plus l’étendue du talent de Stephen King.

L’auteur reste un grand conteur. Il a l’art de développer chaque personnage, chaque vie humaine, même la plus ordinaire, jusqu’à en faire un monde. Cécile Mury, Télérama.

On retrouve sa plume inégalable. Hubert Artus, Le Parisien week-end.

Dans ce récit palpitant, Stephen King réussit à nouveau la prouesse de faire passer du frisson au rire, de l’attendrissement à la colère. Jérémie Laurent-Kaysen, France Info.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean Esch

Mon avis :

Le Téléphone de Mr Harrigan

On pourrait résumer cette histoire par : « Un enfant se lie d’amitié avec un homme d’affaire à la retraite qui est venu vivre dans sa petite ville loin de tout.» Se déroulant à l’époque des premiers I-Phone, King nous livre une petite histoire qui sombre de manière spectaculaire dans le Fantastique. Dans les notes d’auteur à la fin du recueil, King nous explique que l’inspiration de cette histoire lui est potentiellement venue d’un téléfilm du programme présenté par Hitchcock où un homme se faisait enterrer avec un téléphone. Je me rappelle très bien de cet épisode que j’avais vu enfant et qui m’avait fichu la frousse ! Je me suis en tout cas régalé à la lecture de cette nouvelle, les personnages étant plaisants et le fantastique dilué juste comme il faut. Il existe une adaptation sur Netflix, mais qui reste moyennement notée. Bien que ce soit le grand Donald Sutherland qui incarne Mr Harrigan, je pense pour le moment faire l’impasse. Je préfère toujours le cinéma de mon imagination, les images sont toujours plus claires et nettes, et le son.. je ne vous en parle même pas.

Note : 4/5

La vie de Chuck

C’est la nouvelle la plus insaisissable du recueil dans son ouverture. Une histoire incroyable, que j’ai trouvé belle, profonde, triste. L’histoire d’un homme comptable, sur laquelle il va m’être difficile de donner mon sentiment sans dévoiler certaines choses. Ainsi je ne rentrerai pas dans les détails, mais sachez que l’histoire se découpe en 3 parties et qu’elles sont rangées dans un ordre atypique. Je vais tout de même apporter une précision sur l’interprétation que font certaines personnes de la fin de la première partie. Ceci s’adresse à ceux qui ont déjà lu la nouvelle, pour les autres, reprenez au prochain paragraphe. Beaucoup ont pensé que cette nouvelle parlait de la fin du monde et d’un homme comptable qui aimait danser. Ce que je vous dit, je l’ai lu dans des commentaires, sur Babelio notamment. Or, le monde qui s’éteint à la fin du premier acte, c’est le monde intérieur de Chuck, car il est multitude comme il le dit lui-même. Ce n’est pas la fin du monde à proprement parlé, mais la fin de son monde intérieur symbolisé par ces personnes qui vivent en lui. J’ai trouvé ceci très poétique, profond avec tout de même une pointe d’agacement puisque les diverses catastrophes proposés sont quasi toutes en Amérique, comme si le monde finalement ne se résumait qu’à ce qui se trouve entre leur frontière ou sur leur continent.

En tout cas c’est une nouvelle magnifique, peu abordable dans un premier temps et dont la chute semble quasi convenue au fur et à mesure de la lecture. À noter qu’une erreur de traduction gâche un peu la compréhension à un moment, je vous renvoie vers le site d’Emilie pour les explications.

Note : 4,5/5

Si ça Saigne

Nouvelle éponyme du recueil, c’est surtout l’occasion pour Steve de retrouver un personnage dont il dit qu’elle lui a volé son cœur. Apparue dans le roman Mr Mercedes, Holly Gibney est devenue avec le temps un personnage phare du King depuis une décennie. C’est même l’un des rares, si l’on exclut la Tour Sombre, à pouvoir bénéficier d’un tel traitement. Cette nouvelle est une suite directe à l’Outsider publié quelques années plus tôt. Bien qu’il n’y ait que quelques références à la trilogie Hodges, mais qui ne nuisent aucunement à la compréhension, concernant l’Outsider, elles sont beaucoup plus nombreuses. Je vous conseille donc d’avoir déjà lu ce roman avant de vous lancer dans la lecture de cette nouvelle.

Si la narration est comme souvent excellente, la métaphore thématique tellement bien vue et pleine de bon sens, je n’ai pas non plus vibré comme un fou sur cette histoire qui est la plus longue du recueil. Le Roi sait toujours nous faire craindre pour ses personnages, surtout à la fin lorsqu’il enchaîne les points de vue, mais le dénouement est quasi certain (puisque le dernier titre paru de Stephen nous dévoile un peu qui meurt ou pas) et l’intérêt retombe vite une fois qu’on a la réponse à l’intrigue. Agréable mais pas indispensable donc. Je rajouterais que je n’ai pas l’attachement que certains lecteurs ont pour Holly. Je l’aime bien, elle est intéressante, mais sans plus pour ma part. Avis personnel qui n’enlève rien à vos goûts si vous l’aimez : vous avez le droit et je dirais même plus, bande de veinard !

Note : 3,5/5

Le rat

Ahhhhh… Voilà le clou du spectacle. Étant moi-même un créatif, je suis toujours attiré par les nouvelles ou les romans du King qui traitent de la création. Celle-ci est tout bonnement excellente. J’ai aimé son déroulé, sa narration, l’histoire dans l’histoire – en même temps je suis fan de western, donc… J’ai adoré la plongée dans la psychée du protagoniste et les problèmes qu’il rencontre – en criant sur mon canapé, oui ! c’est ça !! Le pacte Faustien rajoute une petite touche bien machiavélique qui laisse toujours à penser chez Steve que la création a un prix, quelqu’il soit, et que nous devons tous le payer à un moment. Le premier n’est-il pas finalement de devoir s’isoler de ceux qu’on aime pour pouvoir laisser notre voix intérieure se faire entendre ?

Note : 5/5

Conclusion

Un King qui ne semblent pas vieillir, un recueil de 4 nouvelles très différentes et pas du tout reliées les unes aux autres, un peu à la manière de ce qu’il y avait déjà dans Différentes Saisons ou Nuit Noire, Étoiles mortes. Même si La Vie de Chuck peut paraître un ton en deça par son manque « d’action », son ouverture déstabilisante et sa forme atypique, il n’en est rien en réalité, si l’on y perçoit la profondeur du propos. L’ouvrage est très homogène et reste une des marques de fabrique du King : sa capacité à nous sortir régulièrement des recueils d’histoires toutes plus divertissantes les unes que les autres. Car c’est bien de ça qu’il s’agit, nul doute. Et même s’il en profite pour nous caler quelques pensées à méditer par-ci par-là, une petite critique de la technologie, du journalisme à sensation et bien évidemment son grand thème de la création, cela reste avant tout le plaisir de lire une histoire – et pour lui de l’écrire, je n’en doute pas – qui nous fait oublier un instant nos soucis quotidiens, et par les temps qui courent, cela n’a pas de prix.

Mon grand regret, c’est que ce genre de format risque de disparaître avec son auteur, le temps étant plus au roman ou au livre autobiographique de milliardaire qui nous donne les clés de la réussite, comme si l’argent ou le succès était une fin en soi. Pourtant, ouvrir une boite blanche en carton de pâtisserie avec 4 friandises à l’intérieur c’est autrement plus succulent et ça change fortement de la grosse charlotte aux fraises du weekend ! La nouvelle doit rester une forme littéraire vivante et j’espère que dans l’avenir d’autres auteurs, français si possible, reprendront le flambeau.

Note : 8,5/10

Explication de la note : J’ai additionné chaque nouvelle et divisé le tout par 2 pour une note sur 10.

Grand Merci, Sai, de m’avoir lu.

Edition présentée : Albin Michel EAN: 9782226451057 Date de Parution : 10 février 2021. Pour le Livre de Poche EAN : 9782253107002 Date de parution : 04/05/2022. Traduction : Jean Esch.Toutes les images présentées dans cet article sont la propriété exclusive de leurs auteurs.