Once upon a time…

«Heureuse rencontre que la nôtre, si fait.» 

Roland Deschain, Magie et Cristal.

Bonjour!

Venez, entrez, asseyez-vous ! Vous devriez pouvoir vous trouver une place, l’endroit est tout neuf. Vous ne sentez pas l’odeur de la peinture fraîche ? Si hein ? Moi aussi, d’ailleurs je ne sens pas que ça, je sens le trac aussi. La frousse, les chocottes, les miquettes !  Tu m’étonnes ! Ce n’est pas facile de soumettre sa plume au regard des autres. Pourtant j’ai décidé de le faire. En fait, c’est surtout parce que je brûle de partager ces passions qui m’emportent depuis tout petit. Ces refuges de l’âme, des endroits créés par d’autres mais que l’on peut parcourir grâce à notre imagination. Et autant quand j’étais enfant il n’y avait pas d’autres choix que de rencontrer réellement des  gens pour échanger là-dessus, autant aujourd’hui on peut venir vers eux par écrit, sur un blog par exemple. Ce que je tente. J’espère que mes articles vous apporteront des renseignements ou des éclairages sur mes sujets de prédilections qui je pense sont les même que vous, sinon vous ne seriez pas ici. J’espère surtout qu’ils vous divertiront à défaut d’être suffisamment techniques.

Bien, vous êtes prêt ? Allez, on y va…

«Il y aura de l’eau, si dieu le veut.»

Stephen King, La Tour Sombre.

Pour ce premier article du blog, j’ai choisi de vous parler d’un cycle que l’auteur a mis 36 ans à écrire et que j’ai lu sur 12 ans. Enfin pas tout à fait, disons que quand je l’ai découvert il n’y avait que trois tomes déjà écrits et que je n’ai pu lire la fin que 12 ans plus tard quand les trois derniers tomes ont été écrits par le Roi (King= Roi    — Ah bon?     — oui oui…).

Donc il y a six tomes me direz-vous. En fait, non il y en a sept, plus un huitième paru en 2012.

Ok, mais là on s’y perd, pourrait-on avoir un ordre chronologique, quelque chose qui nous éclaire sur comment aborder ce cycle long de plus de 5000 pages ? Et puis ça parle de quoi d’abord ? D’horreur, d’Aliens, de monstres ? Stephen King est connu pour ça.

Bien, alors on va prendre dans l’ordre voulez-vous ? On va d’abord parler de la chronologie des tomes dans ce premier article puis nous aborderons les  thèmes dans le suivant, ce qui me permettra de vous donner dans le dernier de cette revue en trois partie, mon analyse (et mon avis, promis !) sur ce cycle, le tout en faisant le parallèle avec la vie de l’auteur, parce que voyez-vous la vie d’un auteur n’est pas un long fleuve tranquille et forcément sa vie impacte son œuvre, et vice-versa.

La composition du cycle

La génèse

Comme je l’ai dit précédemment il est composé de sept tomes plus un huitième écrit presque 10 ans après la fin du cycle.

Tout commença en 1966 lorsque le jeune Steve alla au cinéma pour regarder Le Bon La Brute et le Truand  de Sergio Leone. Ce film, il faut bien le dire est un monument du Western (Comment ça j’adore ça ? Ça se voit tant que ça ? Ah bon ? Ah ben oui  alors). Stephen King sera marqué par l’interprétation de Clint Easwood, par les décors, par la musique grandiose d’Ennio Morricone. Et du coup il rêve d’écrire sur ce sujet. Mais il se trouve qu’à l’époque ce qui se fait de mieux ce sont les Hobbits. Comme il nous l’explique dans la préface de la réédition du Pistolero (le premier tome de la saga) en 2003 qui s’intitule «on n’est pas sérieux quand on a 19 ans», il rêve également de suivre les traces de Tolkien mais il ne souhaite pas faire quelque chose qui ressemblerait à ce qu’il a écrit. Alors une idée germe dans le cerveau du futur auteur de best-seller : et si on combinait le genre de la fantasy et du western, ça donnerait quoi ?

Il ne s’y attelle pas de suite, il a le temps, beaucoup de temps devant lui, il est jeune! Il n’a même pas publié son premier livre.

En 1970, Il a un job à la bibliothèque de l’université du Maine, en parallèle de ses études. Un lot de ramettes de couleurs dans des dimensions excentriques (17,5 X 25) et d’un grain proche de celui de la carte apparaît dans les stocks mais sans aucune trace sur les comptes. Ils décident donc de se la partager entre étudiants travaillant là : sa future femme (Tabitha) en prit une (la bleu œuf de merle), son petit copain de l’époque une autre (la jaune coucou) et la verte lui échut.

Ce papier agit comme un moteur, un élément déclencheur et c’est sur ce papier vert d’un format peu conventionnel, hérité d’un stock fantôme (probablement un papier magique comme il le dit lui-même dans la postface de la première édition du Pistolero, puisque les trois étudiants sont tous devenus auteurs) qu’une nuit de mars 70, il couche la première phrase de cette fresque romanesque, devenu légende depuis :

«L’homme en noir fuyait à travers le désert et le pistolero le suivait.»

Pour la petite histoire, lors de la première édition française il était écrit «L’homme en noir fuyait à travers le désert et le pistolero le poursuivait.» Cette traduction sera révisé en 2003 par Marie de Prémonville (qui a révisé, harmonisé l’ensemble du cycle et traduit les derniers tomes) mais nous en parlerons tout à l’heure.

Il mettra 11 ans pour rédiger le premier tome, narrant les aventures de Roland de Gilead dernier Pistolero de l’Entre-Deux Monde parti en quête de La Tour Sombre. Il sera composé de cinq parties «Le pistolero», «Le relais»,« L’oracle et les montagnes», Les lents mutants» et « Le pistolero et l’homme en noir», qui seront publiées indépendamment dans un magazine appelé  » The Magazine of Fantasy and Science Fiction » entre octobre 78 et novembre 81 (après la publication de ses premiers romans). En 1982 les cinq parties sont réunies en un unique volume intitulé Le pistolero édité à 10 000 exemplaires. Ils disparaîtront rapidement laissant les fans perplexes sur ce livre apparaissant dans sa bibliographie au début de ses romans, mais impossible à obtenir. Très vite une forte demande intervient auprès de son éditeur de l’époque (Doubleday) pour une réédition et une suite.

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Les tomes 2, 3 et 4: L’auteur célèbre est né.

En 1987, alors qu’entre temps le succès est arrivé, ce sera donc la suite tant attendu Les trois cartes. Il a déjà vendu plusieurs centaines de milliers de livres dont plusieurs best sellers adaptés au cinéma ou à la télévision comme Carrie, Shining, Salem, Le Fléau, et sa notoriété n’est plus à faire. Il est traduit dans plus de quarante langues et bien qu’il ne soit pas reconnu par les instances littéraires « sérieuses » son statut d’auteur populaire lui convient très bien. Ce tome poursuit les aventures de Roland qui va rencontrer de nouveaux compagnons de routes dans sa quête pour la Tour, alors qu’il était seul depuis bien longtemps.

En 1991, ce sera Terres Perdues publié au milieu d’autres livres (Stephen King est très prolifique) dont les genres commencent à différer de l’horreur fantastique dont il nous avait jusque là gratifié ( des livres comme Misery par exemple ou Jessie). Ce roman permet le vrai départ, celui de la direction véritable que nos héros doivent prendre pour atteindre leur but: La Tour (« ta foutue Tour » comme dirait Eddie au Pistolero). On l’imagine presque se profiler à l’horizon au fil des pages alors qu’en réalité elle est encore loin, bien loin.

Mais il écrit cette histoire relativement lentement par rapport à ses autres livres et cela le peine autant que ses lecteurs. D’après lui seul 50% de ses Fidèles Lecteurs (comme il les appelle) ont lu son cycle de La Tour Sombre, et cela s’explique peut-être parce qu’il s’agit de Fantasy, bien que l’on y retrouve beaucoup du style (et d’autres choses …) de ses autres livres à l’intérieur, mais tout le monde n’aime pas ce genre (les a priori ont la peau dure!). Le King sort quasiment un livre par an si ce n’est deux, mais il n’a jamais réussi à faire deux années de suite sur La Tour, il a besoin de  se ressourcer entre chaque tome, ou d’attendre que la suite lui vienne (il a une explication sur le sujet), et il a d’autres histoires à raconter, qui parfois, elles aussi, sont difficiles à écrire comme Insomnie sortie en 1995.

En 1997 arrive le quatrième tome Magie et Cristal (qui a dit que c’est mon préféré ? J’entends quelqu’un qui le suggère là au fond, en chuchotant ! Eh bien oui c’est vrai. Nous y reviendrons lors des prochains articles quand je parlerai des thèmes de l’œuvre et de mon avis dessus). Pour la première fois nous allons visiter le passé de notre héros, Roland, et obtenons des réponses sur ce qui n’avait été que suggéré dans les tomes précédents.

The Turning Point

Nous voici donc à la fin du XXème siècle, la fin du monde nous est promise par des rigolos de tout genre et on parle du Bug informatique géant qui doit survenir dans les horloges de tous les ordinateurs du monde lors du passage à l’an 2000. Cela fait bientôt 25 ans que le Roi nous divertit par ses romans et autres nouvelles (il a composé de nombreux recueils, plus intéressants les uns que les autres). Mais pour lui le bug informatique aura le goût de l’acier, et de la morphine.

Le 19 juin 1999 alors qu’il se promène, comme souvent près de chez lui l’après midi, un van bleu le percute sur le bord de la route. Il s’envole dans les airs, projeté à 3 mètres de hauteur puis retombe, la tête pas très loin d’une grosse pierre, brisé de partout. Il est gravement blessé et passe très près de la mort. Après de nombreux mois à l’hôpital et  de nombreuses opérations pour sauver sa jambe droite notamment, il peut enfin rentrer chez lui et se remettre tout doucement au travail. L’écriture comme il le dit, dans son cas, sera réparatrice. Et malgré la douleur de la position assise, il recommence à écrire.

Pourquoi je parle de ça me direz vous ?

Parce qu’alors qu’il est en convalescence, la première chose à laquelle il pense c’est qu’il a bien failli mourir sans finir sa plus grande œuvre ! Si fait ! Il repense à ces lettres envoyées par des fans lui demandant de lui raconter la fin de cette histoire alors qu’ils sont sur le point de quitter notre monde (Stephen King nous parle dans son livre Ecriture : mémoire d’un métier de deux de ces lettres, je vous y renvoie si vous souhaitez en savoir plus)

Et, grand merci, Sai c’est alors qu’il se décide à terminer une bonne fois pour toute cette histoire qui n’a jamais cessé de le hanter. Il sent qu’il faut le faire et il en jurerait par sa montre et son billet.

Le grand Final (Tome 5,6,7)

«Monsieur, notre affaire à nous, c’est le plomb.»

Steeve Mac Queen, Les sept mercenaires.

Après avoir refait une courte incursion dans le monde du Pistolero en 2002 dans le recueil de nouvelles Tout est fatal avec « Les petites sœurs d’Elurie », l’auteur s’attaque enfin au gros morceau. Il publiera ces trois derniers tomes en l’espace de deux ans. Tout d’abord Les loups de la Calla en 2003, roman complètement inspiré du film Les sept mercenaires de John Sturges (à qui il rend hommage en nommant un des lieux de l’histoire « Calla Bryn Sturgis » ), lui-même inspiré du film Les sept samouraïs de Akira Kurosawa.

Puis viendra Le Chant de Susannah en 2004, roman centré sur le personnage éponyme et dans une structure plutôt différente des autres. Ce roman se lit plutôt vite comme si l’auteur avait réussi à calquer le rythme de l’histoire qui s’accélère pour ses personnages, le temps jouant contre eux, au sentiment qu’il doit se dépêcher, que finalement « le type au radar » comme il l’appelle est dans son quartier et qu’il va pas tarder à passer pour lui présenter la note de frais, le reléguant au même rang que Chaucer et Dickens et leurs œuvres inachevées.

Et puis fin 2004 l’auteur sort enfin le dernier opus intitulé sobrement La Tour Sombre, le plus gros volume de la série. Ça y est ! Enfin ! Roland approche du bout du chemin !

…Ou est-ce de « la clairière au bout du sentier », image représentative de la mort dans le cycle ?

En tout cas, ce volume conclut enfin l’histoire de notre Pistolero et de sa quête de La Tour Sombre. Comme dira Stephen King dans la toute dernière Postface :

« On ne peut pas dire que je raffole de cette fin, pour vous dire la vérité, mais c’est la juste fin. La seule fin, en fait. »

La collection avec les textes révisés des premières éditions.

En 2012, le Maître reviendra une nouvelle fois vers le monde de Roland, le temps d’un court roman intitulé La clé des Vents. L’auteur n’a finalement pas tout dit sur le monde du Pistolero et il en trouve encore le chemin. « Pour les fidèles lecteurs, ce livre s’intercale entre Magie et Cristal et Les Loups de la Calla… ce qui fait de lui, je suppose, l’épisode 4,5. » dira l’auteur.

Il ne nous est d’ailleurs pas interdit d’imaginer que suite à l’adaptation cinématographique (dont je ne parlerai pas ici faute de l’avoir vu), King puisse trouver un regain d’intérêt à écrire sur cet univers.

Pour conclure sur la structure du cycle, je vais faire un petit aparté sur la traduction française. On traduira les romans de la Tour Sombre à partir de 1990, quand l’auteur commencera à vendre en France en fait, à raison d’un par an (il n’y en a que trois d’écrit à ce moment là). Magie et cristal paraîtra en français un an après sa parution américaine, soit en 1998. Il en sera de même pour les trois derniers tomes : 2004 pour le tome 5 et 2005 pour les tomes 6 et 7. La traduction sera d’abord assuré par Gérard Lebec  (tome 1 et 2), Jean-daniel Brecque (tome 3 et le tome 4.5) puis à partir de 2002 Marie de Prémonville (tome 5,6,7) qui assurera également l’harmonisation de la traduction pour tout le cycle.

Si vous voulez en savoir plus sur ce travail de l’ombre, je vous renvoie vers cet excellent article d’un site francophone unique sur La Tour Sombre:

http://www.latoursombre.fr/news-211–exclusif-interview-de-marie-de-premonville-traductrice-de-la-tour-sombre

Ce site est une encyclopédie, sur le riche univers de cette série sans égal dans l’œuvre du King. Leur travail est formidable, et je tenais à leur glisser un clin d’œil ici (entre fan on va dire !)

Je vous remercie beaucoup-beaucoup de m’avoir lu jusqu’ici. Dans la deuxième partie, je parlerai des thèmes de La Tour Sombre, en attendant:

«Que vos jours soient longs et vos nuits plaisantes.»

S.K.

Bonsai!

Edition présenté: PANINI COMICS (6 février 2008) ISBN-13: 9782356160041 Collection : BEST OF FUSION