Hello There !

En guise d’introduction

J’avais annoncé dans mes prévisions que, cette année, je comptais jouer plus et en profiter pour écrire un nouveau type d’articles qui pourrait servir aussi bien aux MJ qui voudraient avoir un rendu global, tout comme aux joueurs et/ou passionnés de JDR qui désirent juste lire un retour de partie. On va être clair, si vous espérez un jour jouer ce scénario de Delta Green, je vous déconseille fortement de lire ce qui va suivre, vous allez vous gâcher pas mal d’éléments. Ce sera mon seul avertissement SPOILER, à partir d’ici vous marchez en terrain miné.

Comme Delta Green est un jeu d’ambiance, j’ai souhaité, à ma manière, y participer, – au delà de mon travail derrière l’écran de jeu – en rédigeant, non pas un retour conventionnel, mais bien un rapport façon Agence Gouvernementale. Étant le Handler de la partie – nom que l’on donne au MJ dans Delta Green – je me suis mis dans la peau de celui-ci, c’est à dire ce personnage qui regroupe les agents afin de leur donner leur mission et superviser l’opération. Pas de microfilm qui s’autodétruira au bout de 5 secondes ou de chiffrage codé à entrer sur un site sécurisé, on fait ça à l’ancienne à DG : un homme face à trois autres avec son dossier, dans un petit bureau de débriefing. Comme c’est à lui que les agents font leur rapport à la fin de la mission, je me suis dit qu’il devait probablement être celui qui rédige également le joli papier avec plein d’éléments pour mettre dans un joli carton aux locaux de DG.

En tant que joueur, j’aime ce genre d’immersion1. Le faire en tant que meneur est tout aussi amusant, voire plus, car je peux maquiller les faits et ainsi faire un clin d’œil à mes joueurs, en mode : vous et moi, on sait ce qui s’est réellement passé, mais on ne peut pas noter ça dans un rapport, ça doit rester factuel. J’espère que vous apprécierez la mise en forme en tout cas.

Rapport Operation Fulminate.

Dossier à télécharger

Petit débrief et retour d’expérience aux futurs handlers

Tout d’abord, quelques précisions techniques. Nous trouvons ce scénario dans le Handler’s Guide publié par Arc Dream Publishing. Il n’est pour l’heure pas encore disponible en français. Nous avons joué en ligne via Foundry VTT, qui depuis bientôt 3 ans est ma table de jeu virtuelle. Par chance, depuis quelque temps, l’éditeur Arc Dream Publishing propose des modules clé en main à acheter via Drivethrug RPG. Celui-ci est l’un d’eux. J’ai aussi profité d’une offre sur le Agent’s Handbook pour Foundry VTT, afin d’avoir les éléments et les règles directement incorporées à la table virtuelle. C’est un plus, mais pas indispensable. En effet, à l’intérieur du module OPERATION : Fulminate, nous trouvons le Need To Know, nécessaire de règles gratuit et simplifié pour une découverte du jeu, permettant parfaitement de faire jouer ce scénar. Vous trouverez également fourni avec le système plus de 80 personnages prétirés prêts à jouer, ce qui permet de se lancer très rapidement avec quelques joueurs.

Il nous a fallu 3 séances, pour compléter notre scénario. Il est noté, dans beaucoup de retour anglophone que j’ai lu, qu’une seule séance ou une bonne soirée peut suffire. Peut-être qu’autour d’une table c’est possible avec une bonne grosse soirée alors mais en ligne, c’est un peu plus tendu je pense. Pour ma part, j’ai préféré qu’on prenne notre temps. Les deux premières séances ont duré environ 2h45, et la dernière 1h45. Découper l’action ainsi permet de prendre le temps de poser son ambiance, jouer sur des détails. Avoir une action lente au début, comme dans tout démarrage d’enquête, puis accélérer le rythme en approchant de la fin, cela accrochera vos joueurs. Le découpage laisse aussi la possibilité de faire des cliffhangers, et pour la première séance, celui-ci (l’apparition de Brandon 2) a vraiment eu son effet.

Comme il s’agissait de mon tout premier scénario Delta Green, et même pire, de mon tout premier scénario horrifique, je n’ai pas de grande légitimité pour dire quoi faire ou me la jouer, mais juste vous donner quelques tips qui semblent avoir fonctionné avec mon groupe de joueurs. Tout d’abord, comme je l’ai dit plus haut, ne pas hésiter à prendre son temps au début. Poser l’ambiance, faire le briefing en s’en tenant juste aux éléments fournis par le scénario pour cette section. Ne pas faire de conjecture, ni de ressenti. Dans un deuxième temps, lorsqu’ils arrivent au Parc National Yosemite, installez cette ambiance de pluie pesante, comme dans Seven de David Fincher. Faites monter la pression en augmentant la tempête au fur et à mesure. Pour ce faire, l’avantage des tables virtuelles est la possibilité d’intégrer des sonorisations. Bien évidemment il existe suffisamment de supports audio aujourd’hui pour recréer ce même type d’effet autour d’une table.

Mes joueurs m’ont rapporté que cela avait énormément joué sur leur moral et l’ambiance générale de toute la partie, à tel point qu’ils n’ont pas souhaité quitter la station des Park Rangers. Au départ, ça peut sembler un problème, mais en fait la rédaction du scénario étant plutôt en mode bac à sable, ça permet de combler ce genre de lacune avec une très bonne section rarement vu dans d’autres JDR : Speed it up/ Slow it down. C’est à cette section que je me suis référé tout le long de la partie. Bien sûr, il faut avant toute chose bien lire chaque descriptif, notamment pour les différents protagonistes et leurs particularités, sans ça, la notion de rythme n’a aucune valeur, puisque vous êtes dans l’incapacité de gérer les différentes propositions de manières efficaces.

C’est l’autre point que je voulais aborder, la préparation. Pour moi, ce scénario est très agréable en tant que MJ, à condition que vous vous le soyez bien approprié. Pour ma part, je l’ai relu 3 fois, avec différentes prises de notes. Ça peut paraître excessif, mais comme je savais qu’en cours de partie j’allais devoir gérer également des points de règles sur un jeu que je ne connaissais qu’en théorie, je désirais par-dessus tout me soulager en maîtrisant sur le bout des doigts la trame et les différents éléments, et ne me concentrer que sur l’ambiance et les points de règles à utiliser. En ce qui concerne les règles justement, elles sont simples dans l’ensemble et très proches de l’Appel de Cthulhu, mais les parties concernant la santé mentale ainsi que la volonté devrait mériter une attention toute particulière de la part des futurs Handlers et être intégré au fur et à mesure de manière didactique aux joueurs. De toute façon, si vous suivez mon conseil qui consiste à poser l’ambiance, les premiers temps à Yosemite devraient être plutôt calmes, en mode enquête traditionnelle n’engageant rien de contre-nature.

«Et si j’oublie quelque chose ?» Ce n’est pas grave. Franchement. N’oubliez jamais que vous êtes le seul à tout savoir, vos joueurs, eux, ignorent le scénario. Je peux vous dire par exemple que j’avais oublié que les pouvoirs de Brandon McGill lui permettaient de régénérer ses blessures. Mon Agent aurait dû ne pas réussir du premier coup son incision. J’ai oublié. J’en ai profité lors de la 2e séance, lors d’un exament de la nuque de Brandon 2, pour qu’il est comme un flash et se rappelle d’un seul coup, comme si ça avait été occulté de sa mémoire, qu’il avait dû s’y reprendre à 2 fois. je me suis dit que de faire comme ça était pas mal non plus, une forme de déni face au surnaturel. Néanmoins, si c’était totalement passé à la trappe, je ne pense pas que ça aurait posé problème. Avancez, ne restez pas sur vos erreurs qui plus est lorsqu’il s’agit d’un détail pour renforcer l’ambiance.

Pour le reste, mes conseils reposeront sur votre gestion des joueurs. Laissez-les patauger, prendre leurs décisions. Effacez-vous devant les protagonistes de l’histoire. Surtout, surtout ! Ne pas utiliser les PNJ pour sauver la situation. Ce n’est pas l’esprit de Delta Green. L’autre point important: ne révélez rien à moins qu’ils ne le découvrent. Pour moi, ce point est essentiel et indispensable. J’ai entendu un podcast de partie où le Handler donnait « une vision » à un joueur de ces « étrangers » dans leur environnement. Je peux comprendre la démarche, l’envie de partager la connaissance du « truc », la véritable histoire de Brandon. Mais à mon sens cela déssert ce qui fait le sel d’une partie de Delta Green : L’incertitude, le risque, et la perte de contrôle. Moins vos joueurs en savent, et plus c’est inquiétant. Un grand maitre de l’horreur, que je ne citerai pas a dit ceci :

L’émotion la plus ancienne et la plus forte de l’humanité, c’est la peur; et la peur la plus ancienne et la plus forte est la peur de l’inconnu.

Lovecraft traduit par David Camus

Ainsi, ne pas savoir renforce la peur de vos joueurs. Dans notre partie, lors du débrief de fin, mes agents m’ont confié que c’était déstabilisant de ne pas savoir, et je vous conseillerai même de ne rien dire après le scénar ! Ne donnez pas les clés du royaume, surtout si vous comptez y revenir. Laissez planer le doute. Delta Green est un univers avec de très grosses zones d’ombre dans lesquelles grouillent tout un tas de saloperies dont personne ne veut connaitre l’existence, pas même vos agents. D’ailleurs, l’Agent Sanchez, incarné par Xapur, refuse de croire ces choses, et je trouve ça génial pour l’ambiance et l’interprétation de la partie. Il voit des trucs, il les affronte, mais non ça n’existe pas et il ne veut pas savoir. Ce genre d’approche me parait cohérente. À contrario, l’Agent Cottone veut en savoir plus sur Delta Green, il veut comprendre comment fonctionne l’entité, ce qu’elle protège, cache, ce qu’elle combat. Du coup, en fin de scénario nous avons rajouté cette motivation à sa fiche de personnage, chacun peut en avoir 5 et j’ai trouvé intéressant d’utiliser l’expérience d’une partie pour compléter la fiche. L’agent Sculler, elle, c’est l’inverse de l’Agent Sanchez, elle ne peut en rester là, elle veut en savoir plus sur ce qu’elle a rencontré, au risque de finir par y perdre sa Santé Mentale.

Tous ces éléments sont nés justement de mon silence quant aux ficelles du scénario. Elles ont créé une sorte d’angoisse pour certains au point de refuser d’y croire, un intérêt pour d’autres, mais pas pour les mêmes raisons. Si j’avais tout balancé sur la nature et les motivations de ma menace, autrement dit « les étrangers », je pense très sincèrement que la fin du scénario aurait été assez conventionnelle, que ce dernier aurait perdu de sa saveur aux yeux de mes joueurs vu qu’il n’y auraient plus rien eu à découvrir. Ne donner aux joueurs, finalement, que ce qu’ils peuvent découvrir par eux-mêmes.

Alors si on résume les différents points de vigilance pour bien réussir ce scénario :

  • Bien lire en amont le scénario (plusieurs fois).
  • Ne pas forcer à jouer en une séance, prenez votre temps.
  • Prendre le temps de poser l’ambiance ( enquête traditionnelle au début – pluie omniprésente).
  • Utiliser la section Speed it up/ Slow it down.
  • «Et si j’oublie quelque chose ?» Ce n’est pas grave, avancez.
  • N’oubliez jamais que vous êtes le seul à tout savoir, vos joueurs, eux, ignorent le scénario.
  • Ne pas tout dévoiler, laissez vos joueurs patauger.
  • Ne pas utiliser les PNJ pour sauver la situation.
  • Laissez les joueurs découvrir par eux-mêmes et prendre leurs décisions seuls.

Conclusion

C’est un bon scénario d’intro. Delta Green en possède plusieurs, mais j’avais malheureusement une de mes joueuses qui avait regardé un actual play sur Last Things last, le scénar d’intro du Kit de démarrage, ce qui a reporté mon choix sur celui-ci, non pas par défaut, mais parce qu’un post Reddit m’a convaincu que ce scénario était idéal pour démarrer. Petit bac à sable, ambiance pesante, plusieurs fins possibles, un MJ qui peut être en retrait, envoyant différents effets pyrotechniques à la face des joueurs suivant le rythme de la partie, il est une belle porte d’entrée dans l’univers pour les joueurs, et un magnifique didacticiel pour le MJ qui peut introduire au fur et à mesure les points importants des règles.

Voilà, j’espère que ce petit retour de partie, avec mes modestes conseils, vous aura plu. Si certains d’entre vous l’ont déjà fait jouer ou que vous y avez été joueur, c’est avec plaisir que je lirai vos commentaires. Les conseils sont faits pour être partagés, et je suis preneur de tout, du moment que c’est constructif ! En attendant de se revoir très bientôt je vous souhaite une…

Bonne fin de civilisation !


  1. Je viens de penser qu’il pourrait être marrant un jour de débattre des moyens de rendre une partie plus immersive, entre Cosplay et objet fabriqué ou acheté pour l’occasion. ↩︎