Un article un peu différent pour une fois, car je vais passer en revue non pas un mais quatre romans ! J’ai découvert tout à fait par hasard l’existence du challenge #automneduking sur Instagram. Comme je venais de finir de lire Le signal de Maxime Chattam, je me trouvais imprégné de l’humeur nécessaire à ce genre de lecture. De plus il me reste encore pas mal de King à lire et qui dorment dans ma PAL. Je me suis donc fait une petite sélection de 4 livres à lire entre le 20 septembre et le 20 octobre : Roadmaster, Doctor Sleep, Mr Mercedes et Carnets Noirs. Pourquoi ne pas aller jusqu’au 20 décembre comme le suggère le challenge ? Parce que Steven Erikson m’attendait avec la suite de son Livre des Martyrs dont le tome 4 sortait le 18 octobre plus d’autres livres que je m’étais promis de lire avant la fin de l’année. Voici donc mes retours dans leur ordres de lectures pour ce petit challenge, my first one.

Mr Mercedes

En 2009, dans le Midwest, alors que des centaines de chômeurs font la queue à l’entrée d’un salon consacré à la recherche d’emploi, une Mercedes fonce à toute allure dans la foule et fuit après avoir tué huit personnes. Un an plus tard, Bill Hodges, policier à la retraite, reçoit une lettre du conducteur, toujours en liberté, l’entraînant dans un vaste jeu du chat et de la souris.

Depuis longtemps j’étais attiré par cette trilogie dont tout le monde parle. J’ai donc entamé avec un certain plaisir ce King que je n’avais jamais lu. L’histoire se situe pendant la crise des subprimes en 2009, une crise financière qui a générée de grave problème d’emploi et d’économie aux USA, une crise que nous avons ressenti aussi en Europe mais avec une force moindre. Ici encore une fois, Stephen King nous dépeint l’Amérique profonde avec justesse et empathie. Si l’intrigue est plutôt agréable à suivre, je n’ai pas senti le Roi très à l’aise avec l’intégration des nouvelles technologies dans son roman (internet, téléphone portable etc.) De plus le temps utilisé ici est le présent, et clairement ce n’est pas ma tasse de thé. Certes, cela donne un rythme que l’auteur cherchait peut-être à imprimer pour simuler la course en avant de la chasse ouverte entre un flic et sa proie…
Ou est-ce l’inverse ?
En tout cas ça a gâché en partie mon plaisir de lecture, tout comme le fait de connaitre le tueur fou à la Mercedes assez rapidement dans le livre. Je peux comprendre ce choix narratif qui rend possible le jeu du chat et de la souris qui se déroule entre Hodges et le chauffard, mais au final ça, plus d’autres interactions entre les personnages que j’ai trouvé peu réaliste (je ne vous en dit pas trop pour ne rien dévoiler), ne m’ont pas aidé à faire décoller le plaisiromètre. Peut-être suis-je devenu trop exigeant avec le maitre ? Un bon moment mais sans plus.

La note: 6/10

Roadmaster

Un inconnu s’arrête dans une station-service perdue au fin fond de la Pennsylvanie, au volant d’une Buick « Roadmaster », un magnifique modèle des années 1950… qu’il abandonne là avant de disparaître. Alertée, la police vient examiner le véhicule, qui se révèle entièrement factice et composé de matériaux inconnus.

Et si rouvrir les portières de la mystérieuse automobile revenait à ouvrir les portes de l’horreur ?

Alors qu’il rentrait de sa résidence en Floride pour Bangor dans le Maine, Stephen King s’arrête à une station service en Pennsylvanie où il manque de tomber dans une rivière en sortant des toilettes situées à l’arrière du bâtiment. Sa curiosité l’a entraîné trop prêt du bord abrupt et seul un empan métallique se dressant au milieu de sa descente parmi une monceau de pièces mécaniques dormant sur le bord du cours d’eau, lui permettra d’arrêter sa chute. Il ne lui en faut pas plus pour mûrir une idée au volant de sa voiture alors qu’il reprend la route : Roadmaster est né.
Ce récit m’a transporté malgré un passage à vide vers la moitié du livre. Nous allons suivre la vie d’une unité de police d’état en Pennsylvanie qui cache dans un hangar une Buick Roadmaster depuis les années 70. Le jeune Ned Wilcox, dont le père il n’y pas si longtemps était encore un membre de cette unité, profite d’un boulot d’été dans le service des transmissions au sein de l’équipe policière pour remonter le temps et découvrir comment son père disparu trop tôt est mêlé d’une manière très intime à l’histoire de cette voiture.
A mi-chemin entre le fantastique et l’horreur, un peu à la mode de Lovecraft, ce livre est avant tout une histoire d’amour, celle d’un fils pour son père parti trop tôt. Avec sa narration si spéciale faite de flasback et de différents points de vue, il nous emmène sur les chemins de la mémoire le tout teinté d’une profonde réflexion sur la différence ou plutôt l’inconnu et les peurs qui en découlent. Un voyage dont on ressort fasciné par sa qualité narrative. Pas de grands méchants ici, ni de péripéties explosives, juste des hommes soudés entre eux par un secret qui les relie, dépassant leur entendement, et un jeune homme en quête d’identité et qui cherche à faire revivre son père au travers des souvenirs de ses collègues de la police.

La note : 8/10

Danny Torrance a grandi. Ses démons aussi… Hanté par l’idée qu’il aurait pu hériter des pulsions meurtrières de son père Jack, Dan Torrance n’a jamais pu oublier le cauchemar de l’Hôtel Overlook. Trente ans plus tard, devenu aide-soignant dans un hospice du New Hampshire, il utilise ses pouvoirs surnaturels pour apaiser les mourants, gagnant ainsi le surnom de « Docteur Sleep ». La rencontre avec Abra Stone, une gamine douée d’un shining phénoménal, va réveiller les démons de Dan, l’obligeant à se battre pour protéger Abra et sauver son âme.

Le point d’orgue de cet automne frissonnant. Le chef d’oeuvre de ce mois de lecture royale. Stephen King renoue avec un personnage qu’il avait laissé alors âgé de 5 ans devant un hôtel en cendre et orphelin de père. J’ai lu Shining il y a plus de 25 ans et c’est donc avec un réel sentiment d’avoir vieilli en temps réel avec lui, que j’ai retrouvé le petit Dan Torrance qui a eu une vie bien difficile après la mort de son père, plus que la mienne en tout cas. Entre son pouvoir qui ne cesse de le tourmenter et les traumatismes laissés par son père, il va tout doucement rejoindre le bar des loosers et s’abandonner dans la boisson. King parle souvent de l’alcool dans ses livres, notamment dans Les Tommyknockers où il nous campe un alcoolo en quête de rédemption. Ici, encore une fois, il retourne vers ses démons personnels au travers de l’écriture, avec la nuance qu’il ne boit plus, ce qui nous donne un récit où il n’est plus cet alcoolique cherchant à arrêter de boire mais plutôt le parrain qui guide Danny vers la voie de la sobriété. On parle souvent de cet aspect du livre lorsqu’on lit la promotion qui l’accompagne, mais le vrai nœud (sans aucun jeu de mot) de l’intrigue se situe ailleurs, avec Abra, une petite fille que l’on va voir venir au monde, puis grandir et s’éveiller au Shining d’une manière bien plus puissante que Danny. Jusqu’ici tout va bien dans l’univers du King, sauf que forcément un grand pouvoir implique de grandes responsabilités.
Ah non ce n’est pas la bonne histoire..
Un grand pouvoir attise la convoitise de ceux qui s’en nourrissent. Et ce pouvoir va devenir l’attention du Noeud Vrai, une sorte de groupe de vampires qui se nourrissent de l’énergie vitale et surtout de la souffrance.
Avec ce livre, Stephen King revient à ses premiers amours avec brio et signe un récit fantastique-Horreur de grande qualité, porté par des personnages passionnant. J’avais vraiment l’impression de relire un de ces premiers romans, où la prose glisse toute seule et nous emmène au coin de la rue, dans le noir, là où les monstres existent et nous attendent. Un pur chef-d’oeuvre.

La note : 9/10

En prenant sa retraite, John Rothstein a plongé dans le désespoir les millions de lecteurs des aventures de Jimmy Gold. Rendu fou de rage par la disparition de son héros favori, Morris Bellamy assassine le vieil écrivain pour s’emparer de sa fortune, mais surtout, de ses précieux carnets de notes. Le bonheur dans le crime ? C’est compter sans les mauvais tours du destin… et la perspicacité du détective Bill Hodges.

Pour conclure ce challenge autour du King, je me suis plongé dans la suite de la trilogie Hodges. M’y plonger fut facile, en ressortir fut laborieux, en cause le temps utilisé dans le récit. Ce dernier se coupe en deux. Tout d’abord le passé : Fin des années 70, on nous raconte l’histoire de Morris Bellamy, fan invétéré de Jimmy Gold un personnage fictif de roman, qui vient s’en prendre à son auteur pour cause de retraite anticipé de son héros. Comment ne pas voir Misery derrière cette partie de l’histoire, la grande peur du King, le fan qui devient fou face à l’évolution de son personnage favori, et quand on voit certains débordements aujourd’hui autour de certaines grandes licences cinématographiques, on se dit qu’il a raison d’en avoir peur. Cette partie est rédigée à l’ancienne avec les temps classiques de la narration et c’est clairement dans ce récit qui fait un peu plus de la moitié de l’histoire, que j’ai pris le plus de plaisir. Le décor, les personnages, la magie fonctionnait bien qu’il n’y avait rien de fantastique dans cette partie. Serais-je nostalgique des années de mon enfance ?
La seconde partie se passe dans cette ville du Midwest présentée dans Mr Mercedes et débute le jour où Brady, le tueur fou à la Merco, fonce dans une foule en tuant 8 personnes, et en blessant d’autres gravement. Le père de Peter Saubers, un jeune adolescent, fait partie des victimes et c’est le jeune Peter qui malgré son âge va trouver une solution pour aider ses parents en temps de crise économique et familiale. Bien que l’histoire des Saubers et le lien qui est fait avec la première partie du récit soit plutôt bonne, encore une fois le retour du présent comme temps de narration ne m’a pas convaincu. De plus Hodges fait presque office de personnage secondaire, il a toujours un temps de retard. Le final est quand même bien écrit et plus réaliste que le premier, et le maitre nous donne les clés de liaison entre Monsieur Mercedes et le dernier tome de la trilogie, Fin de Ronde, au travers d’une unique séquence plutôt savoureuse. Une bonne lecture, mais qui aurait pu avoir une meilleure note sans mon aversion pour le présent en temps principal de récit.

La note : 7,5/10

Voilà, j’espère que cette revue de non pas un, mais quatre romans du King vous a plu! Pour ma part je me dirige vers d’autres eaux littéraires puisque je viens de terminer La Maison des Chaines, le quatrième tome du Livre des Martyrs de Steven Erikson , et que je vais entamer la suite de Wild Cards, Aces High, l’anthologie présenté par GRR Martin, mais pas avant avoir déguster Nightflyers et autres récits en guise de mise en bouche.
En attendant bonne lecture, et bon voyage sur les sentiers de l’imaginaire…

Bonsai!

Editions présentés dans cet article, pour Albin Michel : Carnets Noirs, traduit par Océane Bies et Nadine Gassie ISBN:9782226388971 . Roadmaster traduit par François Lasquin ISBN:2226150765. Pour j’ai lu : Mr Mercedes traduit par Océane Bies et Nadine Gassie ISBN:9782253132943 ; Doctor Sleep traduit par Nadine Grassie ISBN:2253183601