Revue Littéraire : Nightflyers et autres récits de GRR Martin

Bonjour à tous !

Nous continuons le voyage des lectures non chroniquées. J’ai pris beaucoup de retard cette dernière année dans mes revues et je profite donc de l’été et du calme pour combler ça. J’en ai même quelques-unes qui datent de ma première année de blog, c’est dire ! Mais les compteurs seront bientôt remis à zéro. J’ai réussi à trouver mon rythme. Alors qu’avons nous au menu aujourd’hui ? Ah ? tiens ? Une lecture qui date de novembre 2019. De qui ? Martin ? « Dis donc Onos, on le voit souvent lui ! » Ben oui, je l’aime bien, surtout son univers du Trône de Fer, mais paradoxalement, je ne me suis intéressé à ses autres travaux que récemment. Wild Cards fut le premier de ceux-ci, mais j’avais stocké dans ma besace d’autres livres, dans le domaine de la SF, comme ce recueil de nouvelles édité par ActuSF en 2018. Cet auteur me fascine en effet. Il a un narration simple, mais d’une efficacité redoutable, les thèmes sont souvent pertinents et la critique sous-jacente. Allez c’est parti, décryptons ça.

Quatrième de couverture :

Depuis des temps immémoriaux, les volcryns traversent la galaxie. Personne ne sait d’où ils viennent, où ils se rendent… ni même ce qu’ils sont vraiment.
Karoly d’Branin est bien décidé à être celui qui percera ce mystère. Entouré de scientifiques de talent, il embarque sur l’Armageddon. Mais bien vite les tensions s’accumulent. Quelle est cette menace sourde qui effraie tant leur télépathe ? Et pourquoi le commandant du vaisseau refuse d’apparaître autrement que par hologramme ?
Karoly est certain d’une chose : ses volcryns sont tout proches. Pas question de faire demi-tour. Quel qu’en soit le prix

Mon avis :

Bien que le résumé s’attarde sur une seule histoire, le livre en compte six. Ce résumé a été rédigé pour être relié à la sortie de la série éponyme tirée de la première nouvelle : Le Volcryn. La série, elle, n’a pas eu le succès escompté, cette quatrième de couverture aurait peut-être gagné à présenter un peu les autres finalement, pour que le livre ait sa vie propre. Quoiqu’il en soit, qu’avons nous au menu de ce recueil ?

Le Volcryn
Pour une Poignée de volutoines
Week-end en zone de guerre
Sept fois, sept fois l’homme, jamais !
Ni les feux multicolores d’un anneau stellaire
Chanson pour Lya

Je ne vais pas détailler chaque nouvelle, à vous lecteur de découvrir leur contenu. Elles ont toutes un point commun qui crée une certaine cohérence à l’ensemble : elles se situent toutes dans l’univers des 1000 mondes, un univers SF inventé par Martin, bien avant que Westeros n’existe et lui donne la notoriété que l’on sait. Peu importe la toile de fond avec lui de toute façon, parce qu’elle n’est qu’un prétexte pour y exposer ses vues sur des thèmes qui lui tiennent à cœur. L’humain est au cœur de son œuvre. Sa critique n’est jamais explicite, elle se situe en dessous de la ligne de flottaison, pour qui sait la voir, et ce sont dans les nouvelles courtes, qui accompagnent les deux gros standards de l’auteur présents ici, Le Volcryn et Chanson pour Lya, que c’est le plus flagrant. Cette dernière reste mon grand plaisir de cette lecture. Somptueuse, d’une profondeur intense, hymne à l’amour et à l’union ou plutôt à la communion entre deux êtres, elle m’a profondément marqué. Que ce soit un récit anti-militariste, (Week-end en Zone de guerre), violent par contraste, une ode contre l’extermination de masse et le fanatisme religieux (Sept fois, sept fois l’homme, jamais ! ), dont le titre est inspiré du Livre de la jungle de Rudyard Kipling, la cupidité et les moyens de contrôle pour y arriver (Pour une poignée de volutoines), ou encore une réflexion philosophique sur la solitude et la peur du vide, du néant, (Ni les feux multicolores d’un anneaux stellaire), Martin fait mouche. Ce texte est d’ailleurs un inédit, bien qu’écrit en 1976. Il faut ce qu’il faut pour avoir le droit de rééditer des nouvelles déjà parues dans d’autres recueils précédemment. Avec son style parfois populaire, pas dans le sens vulgaire mais bien accessible et familier, Il sait, en peu de mots, vous faire passer son idée au travers de personnages très typés et dont les motivations sont fortes. Si l’on compare au Trône de fer, on se rend compte que c’est sa marque, au delà du worldbuilding, il sait rendre très humains ses protagonistes, avec tout ce que cela entraîne de paradoxes, d’interrogations, d’émotions. Les genres se mêlent, les cadres changent – horreur, zombies, aventure dans l’espace, histoire d’amour, jeux de guerre, religion, fanatisme – mais la volonté première reste là : nous divertir tout en grattant cette zone inconfortable juste à la limite de notre morale, qui bouscule notre conscience. Un point commun avec un autre auteur que j’aime beaucoup, le King. Ils sont de la même génération d’ailleurs, mais n’écrivent pas au même rythme, ni avec le même style !

Conclusion :

Bien que je lise GRR Martin depuis près de 10 ans, je ne me suis que récemment intéressé à ses autres écrits. L’univers des 1000 mondes est d’une richesse incroyable et méritait vraiment d’être découvert. Pour ceux qui comme moi manquent de temps, ce recueil est la parfaite entrée, compilant certains de ses meilleurs textes parmi les plus connus. Le format est parfait et le livre se lit vite. L’auteur maîtrise à merveille l’art de la nouvelle et ses chutes sont souvent abruptes. Je remercie ActuSF pour cette compilation qui, si elle est loin d’être exhaustive, a le mérite de donner un très bon panorama du reste de l’oeuvre de Martin et de son talent littéraire. Il n’y a pas que le Trône de Fer dans la vie. Enfin bon, juste comme ça quand même : « George ! Écris plus vite ! On attend le tome 6 ! ». Il ne m’en tiendra pas rigueur.

Du moins, J’espère.

À moins qu’il ne m’envoie La Montagne en représailles.

Ah, tiens, on a sonné.

La note : 9/10

À bientôt pour de nouvelles revues littéraire… ou pas !

Bonsai!

Nightflyers, recueil édité par ActuSF de 492 pages. ISBN : 2366299273

Revue Littéraire : Le Bazar des Mauvais Rêves de Stephen King

Bonjour à tous !

Me revoici par là. Ah.. les vacances, rien de tel pour bloguer un peu. Et rattraper son retard. Aujourd’hui je vais vous parler de mauvais rêves, ceux dont vous cherchez à vous extraire, en sueur dans votre lit, mais sans réussir à vous réveiller. Oui, il faut lire ce recueil dans le noir, tard dans la nuit, sur l’écran rétro-éclairé de sa liseuse avec le vent d’une tempête hivernale qui cogne sur les volets, et les sifflements stridents et chaotiques qui bourdonnent dans vos tympans, augmentant la sensation d’irréel et invitant le surnaturel. Ça sent le vécu ? Peut-être… Stephen King, c’est une main qui surgit de l’eau et vous agrippe par delà la surface de la mare au dessus de laquelle vous vous êtes penchés pour y regarder votre reflet, et vous attire dans ses filets, tout au fond, pour partager son festin de mort. Alors à mon tour de vous inviter à la table, prenez place n’ayez pas peur, tout est comestible..si, si, venez…

Le menu :

Mile 81
Premium Harmony
Batman et Robin ont un accrochage
La Dune
Sale Gosse
Une mort
Église d’ossements
Morale
Après-vie
Ur
Herman Wouk est toujours en vie
À la dure
Billy Barrage
Mister Yummy
Tommy
Le Petit Dieu vert de l’agonie
Ce bus est un autre monde
Nécro
Feux d’artifice imbibés
Le Tonnerre en été

Mon avis :

Ce n’est pas le premier recueil de nouvelles du Roi que je lis. Le tout premier fut Danse Macabre alors que je hantais la salle d’étude de mon dortoir au lycée, jusque tard dans la nuit, absorbé par ma lecture. J’étais fasciné par cette imagination fertile et morbide, et c’est à cette époque que j’ai ressorti la machine à écrire de ma mère afin d’écrire à mon tour, inspiré par Le Ver, ma nouvelle préférée. Entre temps, j’ai lu Différentes Saisons, Minuit 2, Tout est Fatal, et aujourd’hui voici donc à nouveau une magnifique boite de chocolat, offerte par mon auteur fétiche. Comme dirait Forrest Gump, ce qui est bien c’est qu’on ne sait jamais sur quoi on va tomber.

Écrire cette revue à froid, 4 mois après l’avoir terminé, avec juste ses notes Keep, ça permet de relativiser l’impact qu’ont eu chacune des nouvelles. La mémoire est un formidable océan dans lequel on plonge ses filets afin de voir ce qu’on va remonter, et les notes prises en cours de lecture aident à réactiver les souvenirs. Celles-ci sont révélatrices, certaines histoires n’ont même pas eu un seul mot. Ça ne veut pas dire pour autant que je ne les pas aimées, juste qu’elles m’ont moins captivé. Le recueil est globalement excellent, un des meilleurs. King s’amuse de tout, fait de tout, on a même le droit à un poème façon Poe (Église d’ossement), ou encore à une nouvelle à la Raymond Carver (Premium Harmony). Il offre ici un message d’amour à la littérature populaire américaine, et il tente de lui rendre hommage avec son humilité coutumière, lui qui restera probablement comme l’un de ses plus grands représentants et qui aura permis à la littérature de genre d’être reconnue comme de la littérature tout simplement.

La première chose frappante, c’est que chaque nouvelle débute par un petit aparté de l’auteur, une introduction dans laquelle il nous livre ses intentions. Et ça change tout. Cette intimité qui se crée, ce rapport où il nous explique la genèse, l’événement capté par son œil observateur et qui a amené l’idée puis la rédaction de la nouvelle, qui nous permet de mieux comprendre le processus créatif, nous immerge encore plus dans le récit qui suit. Ça a toujours été son style, il est vrai, de nous parler comme si nous étions seul avec lui, mais dans ce contexte c’est une véritable valeur ajoutée.

Alors qu’est-ce que mes filets ont remonté ? Tout d’abord Nécro, l’histoire d’un journaliste qui s’amuse à écrire des nécrologies au vitriol de personnes encore vivantes. ma préférée ! Je retenais mes rires, sans succès parfois, alors que je lisais tard et que tout le monde dormait autour de moi. Miles 81 également, la nouvelle d’ouverture, qui tient presque du roman tant elle est longue. Une nouvelle à l’ancienne, mais terriblement bonne. Il y a aussi quelques petites pépites comme Dune ou Une Mort, qui nous rappelle que la chute est extrêmement importante dans l’art de la nouvelle, et doit surprendre son lecteur. À contrario Sale Gosse, assez longue elle aussi et dont le final semble très prévisible, tire sa richesse des péripéties du personnage principal. Entre les deux, nous avons À La Dure, où la réalité de la situation se dévoile petit à petit pour nous sauter au nez comme l’odeur putride de la mort à la toute fin.

N’était-ce pas Fritz Leiber le grand écrivain de science-fiction et de fantasy qui avait qualifié les livres de « maîtresse de l’érudit »?

Ur – Stephen King.

Il y a Ur, chère à mon cœur pour sa connexion avec .. non, je vous laisse découvrir. Cette nouvelle à été écrite dans le cadre de la promotion de la liseuse Kindle à ses débuts, et le moins qu’on puisse dire c’est que je veux bien la même liseuse que le héros !
Billy Barrage m’a donné envie de m’intéresser de près au baseball – ce que j’ai fait depuis. Elle n’est d’ailleurs pas toujours facile d’accès pour nous, petit français, peu rompu au vocabulaire et aux us de ce sport. Morale, Mister Yummi, Ce bus est un autre monde, Le petit dieu vert de l’agonie, tant d’histoires aussi délicieuses les unes que les autres, de petites tranches de vie où l’horreur et le fantastique font irruption de manière magistrale. Feu d’artifice imbibés régale par son humour. Le tonnerre en été m’a rappelé Le fléau d’une certaine manière par son côté apocalyptique, angoissant, dont notre génération Tchernobyl a déjà pu avoir un avant gout, et a réveillé les images de la Guerre Froide qui émaillent mon enfance.

Aux rangs des nouvelles sans plus il y a Batman et Robin ont un accrochage. Le grand public semble l’avoir beaucoup aimé, moi je suis resté sur ma faim. Après-vie m’a laissé dubitatif, un peu facile, tout comme Herman Wouk est toujours en vie, même si pour cette dernière, là encore, King dresse un portrait saisissant de l’Amérique profonde. N’étant pas ultra sensible aux poèmes, je ne garde pas un souvenir impérissable de Église d’ossement et Tommy, mais il est parfaitement possible que je puisse un jour développer cette sensibilité qui m’a déjà été donné de ressentir avec Baudelaire et ses Fleurs du Mal.

Conclusion :

Un très bon moment passé en compagnie du maitre. Une lecture fluide, divertissante avec cette intimité dans l’envers du décor, malgré quelques nouvelles qui m’ont moins percuté (mais seulement 5 sur 19 !). Je reviendrai probablement un jour dans son bazar, lire une nouvelle par-ci, par-là, car même si le format des textes sont courts, on a toujours quelque chose à (re) découvrir dans les nouvelles du ROI.

La note : 8/10

Edition présenté : Le Bazar des Mauvais Rêves aux éditions Albin Michel ISBN : 978-2226319418.