Hello There !
Il est certaines lectures qui vous marquent mais pour lesquelles il faut du temps pour les assimiler. Dune en fait clairement partie. Alors que le film s’annonçait sur les écrans fin 2020 (au départ), je me suis rendu compte que je ne l’avais toujours pas lu. Profitant du train de la hype et préférant toujours connaitre le livre avant une adapatation cinématographique, j’ai creusé dans le sable de ma planète natale et déterré le joyau de Frank Herbert. Deux ans et demi plus tard, alors que je suis en train de finir l’écoute sur Audible de la suite, Le Messie de Dune, je vous livre ici ma revue d’un roman culte et dont la renommée n’est pas usurpée.

Quatrième de couverture :
Il n’y a pas dans tout l’empire de planète plus inhospitalière que Dune. Partout des sables à perte de vue. Une seule richesse : l’épice de longue vie, née du désert et que tout l’univers convoite.
Quand Leto Atréïdes reçoit Dune en fief il flaire le piège. Il aura besoin des guerriers Fremen qui, réfugiés au fond du désert, se sont adaptés à une vie très dure en préservant leur liberté, leurs coutumes et leur foi. Ils rêvent du prophète qui proclamera la guerre sainte et changera le cours de l’Histoire.
Cependant, les Révérendes Mères du Bene Gesserit poursuivent leur programme millénaire de sélection génétique : elles veulent créer un homme qui réunira tous les dons latents de l’espèce. Le Messie des Fremen est-il déjà né dans l’Empire ?
Mon avis :
Je ne connais pas la peur, car la peur tue l’esprit.
Litanie contre la Peur du rituel Bene Gesserit
La peur est la petite mort qui conduit à l’oblitération totale.
J’affronterai ma peur.
Je lui permettrai de passer sur moi, au travers de moi.
Et lorsqu’elle sera passée, je tournerai mon oeil intérieur sur son chemin.
Et là où elle sera passée, il n’y aura plus rien.
Rien que moi.
Le premier mot qui me vient à l’esprit est grandiose. Dune est un livre aux frontières de la fantasy à bien des égards. Afin de délivrer son message, Frank Herbert a imaginé un écosystème à l’échelle d’une planète semblable à un désert géant nommée Arrakis, ainsi que les peuples qui vont avec, leur histoire, leurs coutumes, liées à leur environnement. Chaque élément semble réaliste et cohérent, que ce soit la géographie, la météo, l’hydrographie, la faune et la flore, jusqu’aux éléments les plus SF tels que le distille, les boucliers ou encore les ornithoptères. Enfin, il a transposé les problématiques de notre propre monde à l’échelle de la galaxie devenue un empire complexe, parcouru de conflits. La planète est un personnage à part entière, au même titre que les protagonistes, elle est bien plus présente que certains d’entre eux tel l’Empereur, personnage à la fois omniprésent et absent, qui n’est mis en scène que très peu, souvent de manière détournée, et nous questionne sans cesse. Le côté féodal de la société nous permet de rester ancré dans un modèle que nous ne connaissons que trop bien, même si les seigneurs d’aujourd’hui sont d’un tout autre acabit. En ce sens la famille Leto, au cœur de l’intrigue, fait presque office de dirigeant aux concepts nobles voire parfois trop idéaliste, l’image même que nous attendons de ceux qui nous guide. Le grand opéra des manigances se déroule sous nos yeux, et dans ce futur dystopique, les règles n’ont pas changé, l’argent et le pouvoir sont toujours la clé et l’objectif. Ce pouvoir, c’est l’épice, une denrée rare qu’on ne trouve que sur Arrakis et qui permet le voyage intersidéral. Celui qui le contrôle, contrôle tout. Un worldbuilding bien structuré donc, facilitant l’immersion, et bien que le dépaysement semble total, nous ne sommes pas complètement perdu, nous avons les clés qui nous permettent d’accéder aux véritables messages du livre.
Le mystère de la vie n’est pas une question à résoudre mais une réalité à vivre .
Frank Herbert
Inspiré par de nombreuses religions tel que l’Islam, Dune a une portée universelle, comme souvent dans la bonne fantasy. Ce qui le classe dans la SF, finalement, c’est son décor galactique et ces gadgets technologiques car tous les bons ingrédients propre à la fantasy s’y retouve: la prophétie, le héros avec son mentor, sa famille perdue, un ennemi mortel et acharné, et bien sûr ses nouveaux alliés qui le guide au bout de sa quête initiatique. Un parallèle évident avec une autre oeuvre, de cinéma cette fois-ci : Star Wars. Si ces récits fonctionnent c’est parce qu’ils s’adressent à ce qu’il y a de plus profond en nous, un idéal de justice, d’espoir, de lutte contre l’oppression. Le livre a été écrit en 1965 et cela ne se ressent aucunement. L’auteur rédige d’une main de maitre son chef d’oeuvre, donnant à l’ensemble la forme d’une chronique historique par le biais d’épigraphe reprenant des citations extraites de livres. Des annexes liées à l’écosystème, la religion ou encore Le Bene Gesserit, une organisation composée de femmes, aux origines et motivations mystérieuses, ajoute à l’ambiance.
Les religions servent à créer des extrémistes et des fanatiques.
Frank herbert
Ce qui lui permet d’être novateur et différent de la fantasy classique au delà du décor, même si celui-ci joue énormément, ce sont ses thèmes. Si le plus présent – et au coeur de notre actualité – est l’écologie, il n’est pas unique, et ce n’est certainement pas la seule oeuvre à le traiter, Le Seigneur des Anneaux y consacre également une large part par le bais de l’arc narratif d’Orthanc. Non, Dune parle aussi et surtout de fanatisme religieux, et il s’agit bien du thème important du livre. On y traite également des dangers de la génétique, de la science deshumanisée, et des choix qui la guident. Dans Dune le concept écologique est très poussé, la vie engendre la vie, même dans les milieux les plus inhospitaliers. L’eau est un luxe, la survie un objectif permanent. Ainsi dans cet environnement, le fanatisme religieux naît plus facilement sur le terreau de l’ignorance et de la simplicité. Il est aisé d’abuser de la conscience de personnes vivant dans des conditions précaires et périlleuses, qui ne sont pas pour autant forcément faibles d’esprit mais juste enfermées dans des préoccupations plus primaires et par des réalités parfois fatales. Des Conditions qu’on a pu créer ou maintenir intentionnellement dans un but précis. La tentation est grande dans de telles circonstances de croire, d’espérer, sinon comment trouver la force de continuer ? La manipulation devient facile et à mon sens c’est ici qu’est le cœur du message. Il dénonce tout forme de manipulations tout autant que la défiance nécessaire à l’égard de l’homme providentiel, le messie, le danger de l’adoration aveugle, les croyances, les mythes annoncés depuis des éons immémoriaux, entraînant un fanatisme qui détruit tout sur son passage, et se retourne contre ceux qui l’ont attisé.
Le concept de progrès agit comme un mécanisme de protection destiné à nous isoler des terreurs de l’avenir.
Les Dits de Muad’Dib

Paul Atréides et sa mère, Jessica. Image tirée du film de Denis Villeneuve. Dune (2021)
Une petite note sur le film de Denis Villeneuve, dont la suite est annoncée entre le 1er et le 15 novembre 2023. La lecture du livre en tête, c’est avec peu d’espoir d’y trouver ce que j’avais lu que je l’ai regardé, tellement déçu de manière générale par les adaptations. Et pourtant. Pour une fois, un réalisateur a réussi. J’y ai quasiment vu les images que mon imagination avait construit lors de la lecture. Les décors, la photographie, un casting juste et au service d’une narration lente, contemplative, mais grandiose, magnifiée par la musique de Hans Zimmer m’ont transporté. Peut-être était-ce juste un hasard d’y retrouver ma propre vision, ou peut-être pas, dans tous les cas, j’ai pris beaucoup de plaisir à cette adaptation et je ne peux que vous conseiller de vous faire votre propre avis si ce n’est pas encore fait.
Conclusion
Frank Herbert nous livre une oeuvre profonde, une véritable réflexion philosophique, dont la portée ne peut être entièrement appréhendée en une seule lecture. Traitant de thèmes sensibles, mais qu’il nous faudra tôt ou tard régler si nous ne voulons pas être voué à disparaître ou à nous auto-détruire, il a su avec un style fluide et simple transmettre son message qui ne se révèle pas si aisément et qu’il nous faudra aller chercher sous le sable qui le recouvre délicatement. Aux frontières des genres, Dune les transcende, le débat concernant son affiliation n’a pas fini d’enflammer les lecteurs alors même que ce n’est pas l’essentiel : Dune est une oeuvre intemporel destinée aux générations futures, peu importe sa couleur, son genre. Frank Herbert nous met en garde, nous interroge, pour ceux qui voudront bien voir au delà de l’aventure. La fin qui se déroule plus vite que le début de l’histoire, un déséquilibre voulu, met en lumière que les rouages qui entraînent les grands changements prennent leurs racines profondément, et que leurs conséquences sont parfois aussi vives et imprédictibles que le temps qu’il aura fallu pour qu’elles apparaissent. Espérons que ce livre saura faire basculer l’histoire, pour le meilleur.
Note : 10/10
Bonsai!
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Très belle chronique, j’ai également été admirative lors de ma lecture! Quel livre!
Dommage que les « zélites » ne le lisent pas pour nous engager dans la bonne voie.
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Les Zélites ne lisent même pas les bios ou les retours de parcours qu’ils publient voyons, ils signent des dédicaces seulement avec leur sourire ultra-brite !
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lol
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Une chronique avec laquelle on ne peut qu’être d’accord (même si j’avoue avoir tiqué en voyant que tu commençais par classer « Dune » en Fantasy… avant de signaler que divers éléments permettaient de mieux le ranger en SF, ouf !). Je suis toujours très intéressé par les retours de primo-lecteurs de « Dune », car c’est un roman qui ne laisse pas indifférent… Par contre, il me semble que le nom de l’auteur dans ton titre a un « c » en trop 😉 ?
Merci pour cette chronique !
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Merci pour l’erreur, je corrige. Sinon la trame principale est quand même calquée sur un déjà vu relativement classique, notamment en fantasy mais pas que. Seul le décor est SF. et juste un décor, pas le but de l’histoire. Les éléments SF sont peu expliqués n’étant pas le point principal, uniquement un contexte. Cette histoire à mon sens pourrait se raconter dans bien des cadres et des genres différents.
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